Les amants de Brignais
exemples d’interpolations plus que regrettables aux narrations de Froissart :
Le rôle de Bertrand Guesclin au siège de Rennes fut indubitablement surajouté au texte. C’est à partir de cet événement (1342) que commence, paraît-il, sa carrière. Or, parmi les bons chevaliers et écuyers de Bretagne il y avait, selon la première rédaction de Froissart : le baron d’Ancenis, le baron du Pont, messire Jean de Malestroit, Yvain Charnel. Le nom de Guesclin fut incorporé en 1369, à une époque où Bertrand s’imposait. Siméon Luce, son chantre, avoue lui-même que l’ascension du Breton est un mystère parce qu’aucun document authentique ne permet de dire ce que fit du Guesclin pendant les treize premières années d’une guerre de Succession qui allait durer 24 ans.
Monsieur de Bréquigny, dans un mémoire lu et publié aux Inscriptions et Belles-Lettres démontra que l’épisode des Bourgeois de Calais était plus proche de la fable que de la réalité. Envoyé à Londres par le duc de Praslin, ministre des Affaires étrangères de Louis XV, il tomba sur des pièces prouvant formellement l’accointance d’Eustache de Saint-Pierre et de ses amis avec le roi d’Angleterre (367) . On lui en voulut de trahir Froissart (preuves à l’appui) et de ternir la réputation (douteuse) des six fameux bourgeois.
La tuerie de Cocherel, décrite par Froissart, est fausse de bout en bout. Une seule vérité y apparaît : la fuite de l’Archiprêtre avant la bataille. C’est pourtant à ce texte que des historiens se réfèrent, par fainéantise : chercher ailleurs prend du temps, et le temps, c’est de l’argent !
L’on pourrait multiplier les exemples. À quoi bon. La mise au point de M. Dacier quant à Maillart, bien que vieille de plus de deux siècles, est de celles qui trouvent la compétence et la probité intellectuelle des historiens d’autrefois qui, sans grands moyens d’investigation et sans la participation de l’engeance des documentalistes, savaient accomplir des travaux que l’on peut leur envier encore.
ANNEXE VII
LA BATAILLE DE BRIGNAIS ET SES COMMENTATEURS
L’humiliante défaite de l’armée royale devant Brignais ne manqua pas d’apitoyer ou de scandaliser les contemporains de ceux qui s’affrontèrent dans la plaine des Aiguiers ainsi que sur les collines avoisinantes. Sans y avoir assisté, leurs chroniqueurs en fournirent des versions très différentes, puis l’on oublia cet épisode d’une guerre interminablement néfaste aux Français.
Il y a cent cinquante ans, un renouveau d’intérêt se manifesta pour cette bataille. Il procédait d’un engouement pour les choses du Moyen Age qui, sans doute, était la conséquence de l’importance que Napoléon III, Eugène Viollet-le-Duc, Prosper Mérimée, Siméon Luce et maints autres auteurs accordaient à cette période de notre histoire, sans oublier l’étonnement puis la passion suscités par les romans de Walter Scott, immédiatement imités par des romanciers à succès dont les œuvres, maintenant, apparaissent pâles, redondantes ou saugrenues. La Jacquerie, de Mérimée, appartient à ce genre. Partant du postulat qu’il n’existait aucun renseignement sur cette révolte, ce qui, évidemment, était faux, il mitonna une ténébreuse histoire aux personnages contrastés (37, pour le théâtre, c’est beaucoup !) mettant, afin d’épater le bourgeois, un moine à la place de Guillaume Carie, et incorporant à ce ragoût des aventuriers anglais et espagnols…
Ancien, moderne, chaque auteur raconte sa bataille de Brignais, de sorte qu’il est impossible de savoir ce qu’elle fut vraiment et qui s’y distingua parmi les vainqueurs. Il serait vain, désormais, d’errer dans ces lieux vivants et bétonnés pour tenter de reconstituer un site évanoui. Avec une extrême obligeance, M. Michel Thiers, Conseiller général et maire de Brignais nous a lit parvenir une petite étude que le Dr Humbert Molière avait rédigée sur Brignais (tirée de celle, plus vaste, qu’il consacra simultanément, non sans raison, à Guy de Chauliac (368) et à la bataille), ainsi que le plan cadastral actuel des endroits où les deux armées tentèrent de s’exterminer. Les noms eux-mêmes ont changé Mr Thiers écrit :
La motte de Montraud est complètement inconnue de nos concitoyens. Les personnes interrogées qui, pourtant, connaissent bien Brignais, n’ont pas souvenance d’un lieu-dit
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