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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grésillait sous leurs semelles. L’ombre s’allégeait. Craquements, frottements ; un hennissement même : les chevaux sentant leur venue devenaient inquiets, voire agités.
    « Ils ont déjà leurs nerfs, se dit Tristan. Et pour une autre raison que notre intrusion. »
    Les rangements des dents sur le bois des mangeoires et des râteliers, les frottements et claquements des queues sur les croupes, les heurts des sabots sur les litières produisaient un bruit mat, quelquefois étouffé, déplaisant. Tout le mystère de cette écurie de vastes dimensions, tout ce qu’elle pouvait contenir de dangereux et qui n’émanait pas des bêtes alignées de part et d’autre de la travée centrale, semblait frémir sous les souffles épais et le trépignement des fers. Accrochée à un étançon, au milieu de la construction, une torche brasillait ; près de s’éteindre, elle crachotait son feu plutôt qu’elle ne le répandait, enveloppée d’une poussière lumineuse comme en suscitent, en plein jour, les flèches du soleil au travers d’un lieu ombreux.
    Tristan vit la chose remuer, mais ce fut Tiercelet qui parut effrayé.
    – Reculons !
    – Non, refusa Oriabel dans un murmure.
    Depuis le commencement de la nuit, une angoisse opiniâtre, grandissante, n’avait cessé de la posséder. Elle en semblait soudainement guérie par l’horreur même de ce qu’elle découvrait.
    Suspendue le long d’un des piliers soutenant le toit et séparant deux parcloses occupées par des roncins aux croupes musculeuses, une femme était attachée très haut par les poignets, de sorte que pour apaiser la douleur de la corde, elle devait se maintenir sur la pointe des orteils. Par un raffinement de cruauté, on avait couvert sa nudité d’intestins et de fressures d’animaux mouton et porc sans doute. Deux grosses tripes noires suintantes, ceignaient ses hanches minces, et le pentacol enroulé à son cou se composait d’un double rang de tripailles visqueuses. L’une d’elles coulait entre ses seins dont on avait tranché les tétins. Quant à la coiffure, ce pouvait être un estomac fendu, extirpé de entrailles d’un veau, à en juger par son volume.
    – Il n’y a que des bouchers de Brignais pour imaginer cela !
    – Non, Oriabel, dit Tristan. Ce que tu vois, Saint Louis l’a fait à Césarée (2) 06 … Hé oui ! Le noble roi fit exposer ainsi apprêté, sur une échelle, un orfèvre blasphémateur.
    – Ces deux chevaux sont nôtres, dit Tiercelet.
    – Tu as raison, fît Tristan à voix basse.
    La puanteur des viscères et l’odeur de la martyre incommodaient ces bêtes si placides à l’ordinaire.
    – Regarde, dit Tiercelet.
    La femme se vidait de son sang par le bas : l’intérieur de ses cuisses et de ses genoux gluaient de traînées brunâtres.
    Tristan sentait son cœur dans sa bouche. Il ne pouvait parler. Il n’osait bouger. Il ne savait qu’imaginer pour mettre un terme à cette vision terrifiante.
    – Pitié, gémit la femme, sa face blême penchée vers Oriabel.
    La pucelle demeurait immobile, bras pendants, accablée d’impuissance et de désolation, pétrifiée de dégoût, de honte et de perplexité. Enfin, Tristan vit ses mains se joindre dans une intention pieuse, sans doute, mais elle se tourna vers lui, et c’était davantage une supplication qu’une prière qu’elle lui adressait d’un regard dont Tiercelet surprit la véhémence.
    –  C’est laid, Oriabel, dit-il. Mais si tu fais quoi, que ce soit pour elle, tu subiras sa punition… Sois-en assurée !… Toi, compère, songe que tu t’es montré suffisamment outrageux envers les capitaines. Garde-toi de commettre une imprudence, et dis-toi que sauf ce grand conart de Thillebort que tu as aiguillonné, ils semblent avoir du respect pour toi… Ne faites donc rien l’un et l’autre qui vous soit dommageable.
    –  Mais… commença Oriabel.
    – Il suffit ! Pleure à t’en cuire les yeux… Et assomme-la, Tristan, si elle se regimbe. Voilà les seules choses sensées que vous puissiez faire !
    Des larmes roulaient aussi sur les joues de la prisonnière, épaisses, nacrées, larmes de désespoir plutôt que de souffrance. Une soudaine lueur du flambeau en fit des gouttes de sang.
    – Merdaille ! enragea Tiercelet dont la voix s’était toutefois adoucie. On va la soulager en plaçant cette selle que je vois là-bas sous ses pieds. Mais par Dieu, plus rien d’autre si vous tenez à la vie !
    – Elle a

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