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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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indolente, malgré les tumultueux éclats d’une activité tout entière vouée à la guerre, avait puisé dans les excès même des pillages et des batailles, des satisfactions suffisantes pour qu’il ne voulût plus changer d’existence.
    – As-tu, Naudon, une concubine ?
    – J’en ai quatre. Nul n’oserait y toucher… Elles m’aiment.
    Il voyait de la séduction là où il n’y avait que : contrainte.
    – Tu prends le viol pour une offrande, soupirai Tristan. Je ne pourrais jamais trouver quelque plaisance là où il y aurait une tout autre exigence que celle d’un amour que l’on veut partager.
    – Tu as la bonne chance d’être ce que tu es. Si tu t’étais vu éconduit et moqué par la femme d’un seigneur ami après qu’elle t’eut fait des avances, puis bafoué par sa fille… qui voulait sans vouloir… Menacé par trois damoiseaux déjà fort adurés aux armes…
    Tristan s’efforça de ne point hausser le ton :
    _ Mais c’était sur eux et non point sur des innocents qu’il te fallait te revancher !
    Bagerant eut un sourire morose, offensant :
    _ Innocents ? Il n’y a plus, de toutes parts, d’innocents sur cette terre. Que crois-tu que font les commandants des armées royales ? Et les soudoyers qui passent derrière eux ?… Seulement, eux, voilà : ils ont le droit que leur confèrent les lis de France !… Seuls les gens des cités bien pourvues en pierres et en armes de défense peuvent encore prétendre à la pureté… N’étant point envahis par les uns et les autres, ils vivent dignement, du moins en apparence… Car ils forniquent, eux aussi… Pourquoi ? Parce que c’est dans la nature humaine… Les pauvres, en deçà des hauts murs, vendent leurs filles aux riches… ou bien les hommes riches les culbutent aussi rudement que nous, sans que les violées et leurs parents émettent des protestations… Crois-moi, l’ost de France est aussi laid que notre sociale. Et comme il perd toutes ses batailles, il se venge de ses échecs sur ceux dont il ne craint aucune représaille ! Tout homme qui porte une arme en ce royaume pourri est digne d’adhérer à notre compagnie. Je suis d’accord avec le fils d’Edouard d’Angleterre quand il dit que l’épée lui tient lieu de droit et de raison. C’est du moins ce que prétend Aymery (2) 03 .
    Tristan se contenta d’un hochement de tête. De son coude, le routier heurta le sien, exigeant ainsi qu’il redoublât d’attention :
    – Tu t’es moqué de Thillebort qui fait tirer des cailloux aux femmes pour décider de l’usage qu’il en fera… Il est un truand infâme, je te l’accorde… Mai que penses-tu de Jean d’Andrezel, capitaine général favori du roi Jean, qui s’amuse à faire sauter les femmes par-dessus un bâton pour décider, ma foi, de leur destin ? Il fait même sauter les épouses de ses amis mais, bien sûr, s’abstient d’y toucher (2) 04 encore que je n’en sache trop rien. Crois-moi, l’homme est mauvais pernicieux, d’une lubricité dont il n’oserait faire état ni à Dieu ni à son meilleur ami si tant est qu’il en puisse avoir.
    – Je savais ce que tu m’as dit sur Andrezel, mais nous ne sommes pas tous à sa semblance… ni à la tienne ni à celle de tes compères !… Non, Bagerant nous ne sommes pas tous ainsi !
    –  Toi, sans doute. Mais cet amour tout frais pour lequel tu te mis en péril de mort, il se peut qu’un jour il te pèse et que tu déplores cette rencontre chez Eustache.
    – Jamais.
    C’était net, tranchant comme un taillant d’épée.
    Ah ! Pouvoir goûter quiètement à cette chair de femme… Obtiendraient-ils, Oriabel et lui, un peu de solitude ? En quel lieu pourraient-ils se soustraire à la tyrannie de ces mécréants ? Leur turpitude avait des relents maléfiques…
    Tristan se tourna vers la jouvencelle et s’en trouva tout aussi ému que lorsqu’il avait voulu l’arracher à son sort. Elle était légèrement penchée en avant, mettant innocemment en valeur un sein rondelet et une épaule d’albâtre entre les déchirures de la tiretaine grise. Quelques fines gouttes emperlaient son front : toute la malfaisance enclose dans cette grand-salle s’était depuis longtemps répandue en elle, et peut-être ainsi sentait-elle mieux son corps, ses contours et jusqu’à son grain de peau. Quoique furtif, le regard qu’ils échangèrent n’échappa point à Bagerant. Le routier feignit de reporter son attention sur

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