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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’Oriabel :
    – Tu vois ce qu’ils font aux rebelles ?
    Elle baissa la tête et se mit à frissonner, à pleurer tout en frottant ses mains, pendant que la fureur de Tristan prenait une vigueur nouvelle. Il s’était résigner à l’idée qu’ils vivraient parmi des guerriers ignobles il commençait à flairer la Mort, à se sentir épié par elle. Il comprenait qu’Oriabel eût atteint les abîmes de l’écœurement et du désespoir. Ah ! Combien dans un tel enfer, la présence d’un Tiercelet pouvait être réconfortante.
    Le brèche-dent considéra les croupes des deux chevaux que leur queue fouettait à peine. Leur nervosité s ’était apaisée.
    – Tu vois, Nadaillac : nos roncins sont quiets. Il me reste à finir une petite chose.
    – Quoi ?
    – Placer, comme je l’ai décidé, une selle sous les pieds de cette pauvrette… Par Satan, notre patron, tu ne pourras m’en empêcher !
    Il avança, suivi du geôlier.
    – Si tu tires ton badelaire, menaça Tristan, tu es mort.
    – Vaut mieux que tu nous accompagnes, Castelreng, dit Tiercelet sans se retourner. Tiens-le à l’œil !
    Tristan obéit, la main d’Oriabel crispée sur sa ceinture : elle avait dû clore ses paupières.
    La pendue ne gémissait plus. Tiercelet s’en approcha, se souleva sur les pointes de ses heuses afin de considérer son visage.
    – Bon Dieu ! dit-il. Bon Dieu de merde !
    Pris d’un accès de rage, il fit choir une selle de son perchoir, et s’acharna sur elle à coups de pied.
    – Holà ! fit Nadaillac. Cesse donc : c’est celle d’Espiote.
    – Espiote ou un autre…
    Alors qu’il saisissait le siège de cuir noir par le pommeau et le troussequin pour l’abattre sur l’empêcheur, le brèche-dent aperçut quelque chose au fond de l’écurie. Laissant tomber son fardeau, il se mit à marcher sans souci des protestations du routier et de l’animation qu’il répandait chez les chevaux dérangés de leur repos.
    –  Tu ne m’interdiras pas, face de mort, d’aller où je prétends aller !
    Nadaillac tira son arme. Tristan bondit. L’estoc de son épée piqua la chair velue entre les épaules.
    – Si tu tiens à garder ton existence abjecte ? Compère, jette ta lame ou remets-la dans son fourreau. Approche, Oriabel… Place-toi là, dans le renfoncement du mur et veille bien… Si quelque fureteur passe et s’approche, crie… Nous serons aussitôt près de toi.
    Elle acquiesça. Il la baisa sur les lèvres et rejoignit Nadaillac indécis, ahuri, tandis que la jouvencelle demandait :
    – Une autre femme ?
    – Oui… Hélas ! dit Tiercelet… Surtout, fillette bouge pas : tu as eu ta suffisance d’horreurs… Et toi Nadaillac, lève ce flambeau à la flamme aussi maigre que ta hure… Ah ! Malheur…
    – Je vous avais bien dit, triompha le geôlier, de guerpir pour pas voir ça !
    Elle était nue, suspendue, elle aussi, très haut par les poignets. À ses pieds, rougeâtres tant les liens en étaient serrés, on avait accroché un grand panier d’osier bourré de cailloux. Elle vivait encore mais son souffle rauque était un râle ultime.
    – Bon sang, enragea Tiercelet. Je n’étais pas trop accoutumé à ces choses, mais je les supportais… Est-ce ta présence, Tristan ? Celle d’Oriabel ? J’ai le cœur qui cogne et le ventre en charpie !
    Tristan restait coi. Il regardait la suppliciée. Elle avait de beaux seins et ils étaient intacts. Plutôt que de les occulter sous leur masse ondoyante, ses cheveux coulaient entre eux comme un flot d’or. Beaux bras et belles hanches. Elle était épilée : c’était donc une noble dame. Qui ? La mort par étirement : une mort impitoyablement lente ; la martyre se sentait se rompre en morceaux. Sous le poids du corps et des cailloux, et le serrement des liens, le sang avait jailli de sous ses ongles. Elle pouvait avoir trente-cinq ans.
    –  Thillebort ?
    – Non, dit Nadaillac. Le Petit-Meschin.
    À la pauvre lueur de la torche, les paupières abaissées s’ouvrirent de moitié. Les yeux qui, sans doute, étaient clairs avant, révélèrent une résignation atroce. La malheureuse fit un effort terrible pour parler ; une mousse de sang lui suinta des lèvres.
    – Ce linfar lui a fait rompre les dents ! grommela Tiercelet.
    Il cracha. Il avait souffert d’un pareil châtiment. Un grondement sortit de sa poitrine ; il demanda, en éloignant l’épée de Tristan prête à trancher la

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