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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en demeure. Il poussa une porte. Héliot dit : « C’est bien », et disparut.
    – On ne voit rien, s’inquiéta Oriabel.
    – Je suis accoutumé aux ténèbres, m’amie. Et d’ailleurs, voilà une odeur familière : nous sommes dans leur fenil.
    Tristan distinguait peu à peu le visage de la pucelle. Il s’apprêtait à la rassurer quand un gémissement venu de l’autre extrémité du bâtiment la jeta contre lui suffoquée de terreur.
    – On dirait… quelqu’un qui se meurt… Quelqu’un qui souffre la géhenne.
    Elle tremblait ; il lui toucha la joue : elle claquait des dents.
    – Si nous devons ouïr cela toute la nuit, je crains d’en devenir folle !
    On toqua à la porte et, de sa paume, Tristan contint le cri d’horreur et de désespoir qu’il avait senti prêt à jaillir de la gorge d’Oriabel.
    – Taisez-vous !… Soyez aussi forte que vous l’étiez chez Eustache !… Eloignez-vous un peu… Je vais ouvrir.
    C’était Tiercelet.
    – Je vous souhaite une bonne nuit… Je dormirai là, sur ce seuil, comme un chien… Ainsi, on vous laissera quiets…
    – Il y a eu des plaintes par là… tout près, dit Oriabel. Et les hommes qui sont sortis avaient des faces de bourreaux !
    – Crois-tu, Tiercelet, qu’ils turlupinent des otages ?
    – Comment le saurais-je ? C’est la première fois que je mets les pieds à Brignais… Mais si tu me permets un conseil, abs tiens-toi de savoir ce qui se passe à l’entour. Tu l’apprendras assez tôt !… N’es-tu pas las ? N’es-tu pas épris d’elle  ? Bien que contradictoires, voilà, compère, deux bonnes raisons de te montrer oublieux de tout !
    Il y avait dans ces propos, apparemment légère, l’injonction impérative de renoncer à toute curiosité susceptible de courroucer la racaille.
    – Et si je voulais voir, simplement, s’ils ont soigné mon cheval ?
    – Ces gens, compère, sont plus soucieux des chevaux que de leur personne !
    – C’est une femme qui gémissait, dit Oriabel, blottie contre l’épaule de Tristan. Ne peut-on rien faire pour elle ?
    Elle étouffa un sanglot tandis qu’au coin de son œil, une brillance apparaissait.
    – Si tu m’aimes, Tristan… N’es-tu pas chevalier ?
    – Captif, dit Tiercelet… À la merci de tout !
    – Si tu m’aimes…
    Oriabel insistait, suppliait… tutoyait. Tristan décela, au fond de ce double instance, une autorité qui lui rappela la promptitude et la force avec les quelles, peur et rage mêlées, elle avait frappé – grâce à lui – un rouquin trop avide d’elle. S’ils avaient eu la bonne chance qu’il se fut trouvé, parmi les malandrins réunis dans la taverne d’Eustache, un Bagerant d’humeur charitable, rien ne prouvait que le routier renouvellerait une indulgence dont peut-être il s’étonnait – et enrageait.
    – Je t’aime, Oriabel, et c’est pourquoi je veux que nous ne bougions plus.
    Il savait, tant à cause de sa beauté que de sa façon d’être, quels périls imprévus elle pouvait susciter. Ce qu’il éprouvait maintenant à son égard l’étonnait par sa disjonction. Tout d’abord, il avait horriblement peur pour elle ; ensuite, elle l’excédait : elle connaissait aussi parfaitement que lui les menaces qui les cernaient. Il craignait qu’elle ne fît un mouvement fatal, qu’elle n’exprimât d’un regard, vis-à-vis de tel ou tel barbare de Brignais, un mépris certes craintif, mais tellement avéré qu’elle s’exposerait à une punition sans aucune mesure avec son irrévérence. Il pressentait qu’elle allait commettre quelque chose de trop, et qu’il la défendrait âprement sans espoir d’obtenir une sûre clémence. Un Thillebort se réjouirait de les voir déliés de la protection de Bagerant pour dépendre de lui et de tous ses compères. Quant à Tiercelet, rebuté par trop d’erreurs, il les abandonnerait à leur sort.
    – C’est une plainte, dit le brèche-dent… Un sanglot… C’est d’une femme… Holà !… Demeurez !
    Prompte, Oriabel avait franchi le seuil et s’avançait vers une porte entre-close derrière laquelle remuait une lueur.
    – Non, chuchota Tiercelet. Faut pas !
    Mais il était trop tard : elle allait hardiment. Tristan, furieux, la saisit en haut du coude ; elle faillit se déga ger puis renonça. Elle lui en voulait d’avoir atermoyé. Ensemble, ils avancèrent et Tiercelet suivit.
    Le sol de terre battue, jonché de paille et de cailloux,

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