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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de force,
et capable aussi d’une pareille magnificence de coloris, songea
l’Arétin. Savez-vous le nom de ce peintre ? ajouta-t-il à
haute voix.
    – Il s’appelait Titien.
    – Je prends cette peinture », grommela le poète.
    L’intendant fit la grimace.
    « Le cadre est tout en or, dit-il.
    – Eh ! pauvre cervelle, qui te parle du cadre !
Décloue-moi la toile, c’est tout ce que je te demande pour prix de
mes services.
    – À l’instant même ! » s’écria l’intendant
rasséréné.
    Voilà comment le portrait de Roland Candiano par Titien devint
la propriété de l’Arétin. Il rentra chez lui, fixa la toile dans un
nouveau cadre, et se mit à l’étudier.
    « Hum !… Admirable, par tous les diables… admirable
comme tout ce que fait Titien… Quelle puissance de vie dans le
regard ! Quelle douceur dans le sourire ! »
    Ayant ainsi fait l’éloge mérité du portrait et de l’auteur,
l’Arétin ajouta :
    « Oui, mais que vais-je faire de cela, moi ? Si
j’étais riche, je le garderais… mais positivement, je ne suis pas
assez riche… »
    Pendant quelques jours, l’Arétin rumina s’il vendrait le
portrait à Roland Candiano lui-même. Mais une sorte de pudeur
l’arrêtait ; maître Pierre était cynique, mais il avait le
cynisme intelligent.
    Un matin, après avoir étudié et rejeté une foule de combinaisons
il s’écria :
    « J’ai trouvé !… Idée superbe ! Idée de génie,
digne de moi !… Margherita, mon déjeuner ! Paola, mon
pourpoint de satin rose et mon manteau fourré d’hermine !
Chiara, ma toque à plumes blanches ! »
    Les Arétines accoururent, et aussitôt le remue-ménage commença,
les unes se ruant à la cuisine pour préparer le déjeuner du maître,
les autres se hâtant de sortir des armoires ses vêtements de
cérémonie. Pendant vingt minutes, on entendit des vociférations qui
remplirent le palais, puis soudain, il y eut un grand
silence :
    L’Arétin venait de se mettre à table !…
    La mauvaise humeur et l’appétit du poète s’étant calmés, il
donna ordre de préparer sa belle gondole que dirigeait un Nubien
vêtu d’une tunique blanche, comme il avait vu faire à
Imperia ; la courtisane, en effet, avait été un modèle naturel
pour l’Arétin.
    Puis il s’écria :
    « Je ne vois pas Perina !
    – Elle est auprès de la morte, dit Margherita. Elle ferait
mieux de s’occuper des vivants…
    – Tais-toi, Pacofila ! – c’était sa grande insulte –
Perina a plus d’esprit dans le bout de son soulier que toi dans
toute la tête. Allons, c’est bien… ne pleure pas, tu me romps la
tête… Et si je réussis, je te paierai une belle écharpe d’Orient,
et à vous toutes. Silence ! là où habite la mort, on doit
parler bas. »
    Il faut noter d’ailleurs que l’Arétin tonitruait ces paroles.
Ayant dit, il se dirigea vers sa gondole et fit placer sous la
tente le portrait qu’il avait acquis, après avoir eu soin de le
faire envelopper.
    La gondole de l’Arétin s’arrêta devant le palais Dandolo. Mais
le palais semblait désert. Un valet de Dandolo annonça à Pierre
Arétin que son maître habitait depuis quelque temps le palais
Altieri.
    Quelques minutes plus tard, maître Pierre entrait dans la maison
du capitaine général, insistait longuement pour être admis auprès
du seigneur Dandolo, et suivi de deux hommes portant le grand
portrait, fut enfin introduit dans une pièce du premier étage.
    Autant le rez-de-chaussée bruyant, encombré d’officiers, donnait
l’impression de la vie et de la force, autant le premier étage
paraissait triste et silencieux.
    « Diable ! pensa l’Arétin. Est-ce que la mort habite
aussi cette demeure ? »
    Comme il réfléchissait ainsi, une porte s’ouvrit, et un homme à
la barbe grisonnante, aux cheveux blanchis avec l’âge,
s’avança.
    « Quoi ! pensa l’Arétin, ce serait là le grand
inquisiteur !
    – Monsieur, dit Dandolo en montrant un siège avec ce geste
de haute et froide politesse des patriciens de Venise, vous avez
souhaité parler au grand inquisiteur ? »
    Et Dandolo jetait un regard perçant sur l’Arétin.
    Dandolo vivait dans une retraite absolue. Mais l’insistance du
visiteur, son nom, et certaines vagues intuitions lui avaient fait
espérer – et redouter – que ce visiteur venait de la part de Roland
Candiano. Il l’étudiait donc avec angoisse. L’Arétin s’était
incliné, un peu impressionné par cette

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