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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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songeait :
    « Ils sont résolus, courageux, adroits, vigoureux. Et nous
serons quatre. Mais à nous quatre nous ne valons pas la dague du
bravo. Ah ! celui-là me paiera cher sa trahison…
    – Où allons-nous ? demanda Castruccio.
    – Écoutez, dit Altieri. Le grand jour approche. Toutes les
chances sont pour nous. Tout est prêt maintenant. Chacun a son rôle
désigné, et son poste… Mais moi, moi qui porte le poids de toutes
les inquiétudes d’une pareille aventure, je dois me préoccuper des
obstacles qui peuvent surgir à la dernière heure. J’en ai écarté
beaucoup déjà. Il en reste un, le plus terrible, qui peut faire
avorter le grand projet, m’envoyer à l’échafaud et vous sous les
plombs. C’est cet obstacle que nous allons supprimer cette
nuit. »
    Les trois hommes écoutaient attentivement.
    Altieri reprit :
    « Vous savez sans doute que Roland Candiano est à
Venise ?
    – Ah ! ah ! s’écria Castruccio, c’est de lui
qu’il s’agit ?
    – On dit que les marins du port sont prêts à se soulever
pour lui, ajouta Romani.
    – Dans les tavernes, les cabarets, la plèbe, les filles de
joie, les portefaix du Lido ne parlent que de lui, dit aussi
Ghiberto.
    – Oui, reprit dédaigneusement Castruccio, mais pas un
patricien, pas un officier, pas un homme ayant un nom dans Venise
ne ferait un pas pour l’arracher au bourreau qui le guette. Ce
Roland Candiano ne compte pas.
    – Tu te trompes, dit Altieri. Candiano a peut-être formé
des projets que nous ne connaissons pas.
    – Ces projets n’auront pas le temps d’aboutir, puisque dans
quelques jours, nous serons maîtres de Venise.
    – Je le crois, je l’espère… Pourtant, il faut tout prévoir.
Nous aurons assez de besogne le jour du grand combat sans que nous
ayons à combattre aussi la plèbe. Candiano peut nous gêner ce
jour-là. C’est pourquoi j’ai décidé que nous le supprimerions.
    – Supprimons-le ! fit Castruccio.
    – Mais, demanda Ghiberto, pourquoi cet homme n’est-il pas
arrêté depuis longtemps ? Il est rebelle, en somme…
    – Ne nous occupons pas des lâchetés de la police de Venise.
Agissons en hommes et pour notre compte. »
    Altieri se gardait bien d’ajouter que la police avait vainement
essayé de s’emparer de Candiano, et encore moins d’avouer qu’il
avait essayé d’envoyer un bravo contre lui.
    Il se leva et dit simplement :
    « Partons ! En route, nous combinerons notre
action. »
    Nous devancerons, dans la maison de l’île d’Olivolo, le
capitaine général et ses trois acolytes.
    Il était environ neuf heures et demie. Roland venait de monter
dans la chambre où habitait son père.
    Le vieux Philippe s’y trouvait. C’était lui qui, tous les soirs,
déshabillait le pauvre fou et l’aidait à se mettre au lit.
    Cela se passait généralement vers huit heures du soir.
    Mais ce soir-là, Philippe n’avait pas encore déshabillé le vieux
doge. Roland lui avait donné l’ordre d’attendre. Lorsqu’il entra
dans la chambre du vieillard, Roland le trouva endormi paisiblement
dans un vaste fauteuil.
    Il le considéra un instant avec une gravité attendrie.
    Puis il le toucha à l’épaule, et doucement l’éveilla.
    Le vieillard ouvrit ses yeux blancs et regarda fixement dans le
vide, comme regardent les aveugles.
    « Que me veut-on ? murmura-t-il.
    – C’est moi, mon père », dit Roland.
    Il l’appelait toujours ainsi, bien que ce nom de père n’eût
encore éveillé aucun écho dans l’esprit du dément.
    Il lui parlait en général comme si son père eût pu le
comprendre.
    « Mon père, dit Roland, cette maison va être envahie
peut-être cette nuit. Je suis obligé de vous conduire hors de votre
chambre dans un endroit où vous serez en sûreté… Venez… »
    Et, passant son bras sous celui du vieux Candiano, il
l’entraîna.
    Parvenu au rez-de-chaussée, Roland trouva Scalabrino qui
l’attendait. Il lui fit signe de le suivre.
    Le vieux Philippe suivait également.
    Il sortit dans le jardin et se dirigea vers le cèdre qui se
trouvait au milieu de l’enclos. Peut-être n’a-t-on pas oublié que
l’énorme tronc de cet arbre était creux et que l’intérieur avait
été aménagé par Philippe comme une sorte de chambre.
    « L’échelle ! » dit Roland, lorsqu’il fut arrivé
au pied du cèdre.
    Scalabrino approcha l’échelle, que sans doute il avait apportée
là lui-même. Il monta le premier et atteignit le sommet du

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