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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qui ne connaissent pas
le maniement de l’épée. Je leur prête mon bras pour de l’argent.
Mais je ne me charge pas des affaires de l’État. Il y a à Venise un
doge, un suprême conseil, un tribunal inquisitorial, un chef de
police et une nuée de sbires. C’est leur affaire et non la mienne
de pourchasser, de saisir et de frapper les ennemis de l’État.
Roland Candiano est rebelle, en révolte contre la force juridique
et la force armée. À ce titre de rebelle, vous pouvez le saisir.
Mais à ce titre, il m’est sacré, à moi ! »
    Altieri s’était croisé les bras et écoutait avec une sombre
amertume ces paroles qui lui prouvaient la profonde puissance de
Candiano. Spartivento continua :
    « Je ne sais si vous me comprenez… je crois que vous ne
devez pas me comprendre. J’ai encore à vous dire ceci : je ne
parle pas trop pour moi. Je suis une exception, moi, un être à
part ; j’ai tué, je suis couvert de sang ; peut-être bien
que je serai tué un jour ; peut-être que le bourreau compte
déjà quel prix il tirera de ma tête, comme j’ai compté le prix que
je tirerai de certains coups de dague. C’est tout naturel,
parbleu ! Donc, ne parlons pas de moi. Mais il y a dans Venise
des milliers d’hommes et de femmes qui n’ont pas volé, qui n’ont
pas tué, qui remplissent avec zèle leur office de bons citoyens et
exercent avec art leur métier ; par eux Venise est prospère,
forte, riche et respectée. Vous ignorez tout cela sans doute ?
Eh bien, vous devez ignorer aussi les malédictions qui montent de
ce monde-là. Il semble vraiment que le travail, ce soit l’enfer.
Non, messieurs les patriciens, vous exagérez vraiment le droit que
vous avez de tourmenter les pauvres gens. C’est pour ceux-là que je
parle, seigneur capitaine général. Cela vous étonne ? C’est
pourtant vrai. Ces gens n’espèrent qu’en Roland Candiano. Il doit
les délivrer. Il l’a dit. Il le fera. Ce rebelle parle de la
révolte comme d’un acte nécessaire. Il me plaît ainsi. Et si je le
tuais, il me semble que je serais ensuite forcé de me tuer
moi-même, tellement je me jugerais méprisable ! »
    Ainsi parla le bravo.
    Il parla simplement, sans emphase, et probablement sans
comprendre bien clairement le sens profond de son réquisitoire. Ce
qui était sûr, c’est que ce bravo, sorte de rebelle formidable, en
marge de toute morale, écarté de toute société, sinistre champignon
poussé dans le sang et la corruption d’une époque inouïe, ce
spadassin, dont la profession était de tuer sans pitié, avait pitié
des misères qui grouillaient autour de lui.
    Spartivento avait dit à Altieri :
    « Je ne sais si vous me comprenez… »
    Altieri ne comprit pas. Mais il eut l’intuition qu’il se
heurtait là à quelque chose de profond, de terrible et
d’ignoré.
    Il demeura pensif et plein de rage froide.
    Ainsi partout, chez lui, dans son palais, dans la chambre de sa
femme, sur la place publique, et jusque dans les bas-fonds de
Venise, Candiano se dressait devant lui et le défiait !
    Alors une sorte de fureur insensée s’empara d’Altieri. Il eut
honte d’avoir voulu employer le bravo alors que, plein de force et
de courage, il pouvait, il devait se mesurer avec Roland…
    Sans mot dire, il s’enveloppa dans son manteau, et descendit
l’escalier, tandis que Spartivento, du haut de son grenier, criait
à la vieille :
    « Ouvre et laisse passer en paix… »
    Altieri sortit de cette tanière, s’achemina vers son palais et y
arriva comme neuf heures sonnaient. Une heure plus tard, les trois
officiers à qui il avait donné rendez-vous se trouvaient dans son
cabinet.
    Altieri les examina avec satisfaction.
    Tous les trois, armés de solides rapières et de dagues, le lourd
pistolet à la ceinture, cuirassés de buffle, larges d’épaules,
solides, vigoureux et tranquilles, apparaissaient invincibles,
formidables…
    Romani et Ghiberto étaient dévoués jusqu’à la mort à Castruccio
qui, riche et bien en cour, les soutenait de son crédit et de son
argent. Castruccio, lui, était dévoué à Altieri qui lui avait
promis un haut grade.
    Il en résultait que ces trois hommes formaient, dans la garde du
capitaine général, une garde particulière.
    Castruccio, en entrant dans le cabinet d’Altieri, dit :
    « Nous voici, fidèles au rendez-vous.
    – Prêts à tout ! » ajoutèrent ses deux compagnons
en saluant leur capitaine général.
    Altieri, cependant,

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