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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Dandolo se remplirent de désespoir.
    « Ainsi, dit-il, vous ne pourriez lui remettre une missive
secrète… je ne pourrais vous confier une chose qui le touche de
près ?
    – Pardon ! fit vivement Pierre. Au contraire, pour ces
sortes de choses, je suis plus que personne en situation de vous
aider. Je puis voir Candiano. Il vient ici. Je puis tout entendre
sur lui. Car je suis plus que son ami… Je suis son obligé.
    – Ainsi donc, vous pourriez lui remettre une
lettre ?
    – Je m’en charge.
    – Et cette lettre, vous consentiriez à l’écrire sous ma
dictée ?
    – Très volontiers.
    – Et vous me jurez d’oublier ensuite ce que vous aurez
écrit ?
    – Je le jure de tout mon cœur. Soyez sans nulle crainte sur
tous ces points. Si j’ai un peu menti en disant que Candiano était
de mes amis, je puis du moins vous assurer que je lui suis dévoué.
Dictez donc, mon cher seigneur, dictez sans crainte… Et enfin, pour
vous ôter un dernier souci de la tête, ne dictez que le strict
nécessaire, je me charge de transcrire ensuite votre lettre avec
les ornements poétiques nécessaires… Je suis habitué à ces
besognes », ajouta l’Arétin non sans fierté.
    En même temps, il avait approché une table du lit, placé une
écritoire et du papier sur cette table ; puis il s’était assis
en saisissant une plume. Dandolo avait suivi ces préparatifs d’un
œil d’angoisse et d’impatience mortelle.
    « Écrivez », dit-il.
    Et il dicta :
    « Roland,
    « Je vais mourir. Frappé à mort, rien ne peut me sauver.
C’est donc la parole d’outre-tombe qui va vous parvenir.
Considérez-la comme une vérité sacrée.
    « Roland, j’ai été lâche. Une faiblesse me fit commettre un
crime. De ce crime, vous avez souffert.
    « Et s’il ne s’agissait que de vous, peut-être me
consolerais-je…
    « Car je ne saurais oublier que votre père le doge me
laissa végéter dans la pauvreté, à l’écart du gouvernement de la
république, moi le fils des Dandolo… Mais il y a quelqu’un au monde
qui souffre aussi, plus que vous, peut-être.
    « C’est ma fille. Elle souffre injustement.
    « Elle est punie d’une faute qu’elle n’a pas commise.
    « Voici les faits exacts, Roland, exacts je le jure sur mon
sang qui coule, je le jure sur la mort… »
    Dandolo s’arrêta un instant, respirant avec difficulté.
    « Est-ce que vous ne pensez pas, dit l’Arétin, que tout
cela est un peu sec et précipité, et que je devrais orner la nudité
de ces phrases de quelques littéraires épithètes ?… L’Art,
monsieur, l’Art !… L’Art a des droits
imprescriptibles… »
    Le bon cuistre brandissait sa plume.
    « Je vous supplie de ne pas changer un mot à tout cela…
Monsieur, êtes-vous homme d’honneur ?
    – Certes, mais l’Art… Ah ! l’Art… Enfin, je vous
promets de respecter ces proses, bien qu’elles me semblent sèches
et pauvres… »
    Dandolo fit un signe de remerciement et continua :
    « Ma fille, Roland, est digne de vous. Son grand cœur,
héritier futur de nos aïeux, a accepté un terrible sacrifice…
Écoutez…
    « Vous étiez dans les cachots. Altieri me menaça de la
ruine complète, de la mort des suspects si je ne lui obéissais.
    « Je fus lâche… J’obéis. Sur son ordre, je dis à Léonore
que vous aviez fui, l’abandonnant, renonçant à son amour.
    « Ensuite, je lui dis que vous étiez mort. Enfin, je lui
dis que seul son mariage avec Altieri pouvait me sauver, moi, son
père…
    « Léonore consentit à porter le nom d’Altieri.
    « Elle consentit cet abominable sacrifice qui lui brisait
le cœur…
    « Mais elle ne consentit que cela !…
    « Me comprenez-vous, Roland ?… M’entendez-vous ?…
Avez-vous foi dans la parole d’outre-tombe qui monte jusqu’à
vous ?…
    « Léonore porte le nom d’Altieri…
    « Et jamais Léonore n’a été la femme d’Altieri…
    « Vous croyant mort, elle vous a voué le deuil éternel des
veuves antiques qui demeuraient fidèles à leur époux, par-delà le
tombeau…
    « Et lorsqu’elle a su que vous étiez vivant, cette
constante fidélité du cœur le plus tendre, de l’âme la plus pure
vous est demeurée acquise… Voilà ce que je voulais vous dire…
    « Je meurs… je ne puis vous dire la vie infernale que
Léonore a consenti à vivre près d’Altieri pour vous demeurer
fidèle. Fidèle ! constante ! Toute la vie de cette fille
se condense dans ce

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