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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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soit ramené à Venise et placé avec une
pompe décente dans le tombeau des Dandolo, mes pères…
    « 3° Que l’on se rende à Milan,
via degli Bastori,
dans l’avant-dernière maison à gauche en allant vers le Campo Santo
de la ville. On descendra dans les caves. On creusera dans l’angle
nord de la dernière cave, et on trouvera un coffre contenant…
    « Hein ! tonna l’Arétin. Je lis mal ! J’ai la
berlue ! Voyons, voyons… soyons calme. »
    Il se rapprocha du flambeau. Le papier tremblait dans ses
mains.
    Il passa ses mains sur ses yeux et, alors, reprit sa
lecture : « … un coffre contenant cinquante mille
écus de six livres (cinquante mille écus ! oui, oui !
c’est écrit !)… dix mille ducats d’or… (oh ! je deviens
fou !) et enfin des pierreries et des bijoux pour une valeur
d’environ vingt-cinq mille écus…
    L’Arétin faillit s’évanouir et poussa un grand cri.
    Des valets accoururent. Il bondit, furieux :
    « Que voulez-vous, ivrognes, voleurs,
coquins ? »
    Il y eut une fuite de valets.
    L’Arétin ferma soigneusement la porte, et revint s’asseoir près
du cadavre dont le visage s’était immobilisé dans un pâle
sourire.
    « Oh ! fit-il d’une voix sourde, j’ai bien lu !
Je lis bien ! Je ne rêve pas ! On a bien apporté ici
Dandolo blessé ! Il est bien mort sous mes yeux ! C’est
bien moi qui ai défait les aiguillettes de ce pourpoint ! Et
c’est bien une lettre, un papier que je tiens dans ma main !
Une fortune !… Une fortune complète ! Plus de vers !
Plus d’Art ! Plus d’éloges ! Plus de critique ! La
vie assurée, large et princière !… Oh ! revoyons…
relisons… ne nous trompons pas… il y a bien vingt-cinq mille écus
de bijoux… dix mille ducats d’or… cinquante mille écus de six
livres… et tout cela se trouve bien… à Milan…
via degli
Bastori,
l’avant-dernière maison à gauche… en allant vers le
Campo Santo !. Par le ventre de ma mère, morte de misère à
l’hôpital d’Arezzo !… Riche ! riche ! Je suis
riche !… Patriciens, cardinaux, scribes, poètes, artistes,
tous, tous, saluez Pierre l’Arétin, qui vient enfin de trouver le
chef-d’œuvre que le monde a toujours honoré, que tout le monde
honore, que tout le monde honorera dans les siècles des siècles… la
richesse !… »
    Il se mit à se promener à grands pas, froissant convulsivement
le papier, murmurant avec fièvre :
    « J’épouserai Perina, et de ce chef Roland Candiano m’a
promis trente mille écus de trois livres… J’ai environ dix-huit
mille écus dans mes coffres… Comptons bien… au total, me voilà
possesseur de près de huit cent mille livres… Je me retire de mon
commerce… Je vis en grand seigneur, tantôt à Venise, tantôt à Milan
ou à Florence, tantôt à Parme ou à Modène, pas à Rome… le pape me
ferait assassiner pour hériter de moi… et, à mon tour, je paie des
poètes, de pauvres Arétins pour chanter ma gloire, ma magnificence,
ma vertu, mon courage, mon génie, tout ce que je voudrai !
ah !… »
    Un peu calmé, il déplia le papier qu’il avait froissé.
    « Voyons s’il n’y a pas autre chose »,
murmura-t-il.
    Brusquement, il pâlit et bégaya :
    « Diavolo ! diavolo ! »
    Et il ajouta :
    « Si je ne lisais pas la fin ?… Voyons ! qui
m’oblige à lire la fin ?… Ce papier ne peut-il être tombé au
feu juste au moment où j’allais lire la fin ?… Que
diable ! Non, non, je n’ai pas lu, je ne veux pas lire la
fin !… »
    Malheureusement, il l’avait bien lue, cette fois !
    Et il avait beau fermer les yeux, elle flamboyait dans son
esprit :
    Or, voici ce qu’elle disait cette fin :
    « … Que si ce papier tombe dans les mains d’un patricien,
d’un poète, d’un artiste, enfin d’un homme de cœur, je ne lui ferai
pas l’injure de lui offrir une récompense…
    « Que si mon corps est trouvé par un voleur, je crois
néanmoins avec fermeté qu’il respectera les dernières volontés d’un
mort et qu’il se contentera de quatre mille écus pour sa part…
    « Que si, enfin, mon corps est trouvé par un pauvre, je
l’autorise à distraire des sommes sus-indiquées cinq cents ducats
d’or pour le payer de sa peine… Quel que soit l’homme qui lira ces
lignes, volonté suprême d’un mourant, je le conjure de faire deux
parts égales de ce qu’il trouvera dans le coffre de Milan.
    « Une pour Roland Candiano que l’on

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