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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Jamais je ne conseillai rien à
Imperia ; il n’y eut pas de lettre jetée au Tronc…
    – Altieri, qui donc avait donné rendez-vous à mon père sur
la place Saint-Marc, quelques minutes avant la réunion des
assassins au palais Imperia !… Parlez, parlez, mon père !
s’écria Léonore en saisissant la main du cadavre et en l’agitant
furieusement. Réveillez-vous, mon père ! Parlez ! Dites à
Altieri ce que vous avez vu ! Refaites-lui le récit que vous
m’avez fait à moi !…
    – J’avoue ! J’avoue ! clama Altieri dans un cri
d’angoisse tel qu’on eût dit le cri d’un homme qu’on égorge. C’est
vrai ! Tout est vrai ! Tout ! Je fus criminel !
Je fus scélérat ! C’est moi que Bembo entraîna le soir où du
haut du palais ducal j’entendais avec une frénésie de jalousie le
peuple de Venise acclamer les noms de Roland et de Léonore
unis ! C’est moi qui fis auprès de Dandolo une suprême
tentative ! C’est moi qui entrai chez la courtisane, qui
approuvai la lettre dénonciatrice et qui la fis jeter au
Tronc ! C’est moi, Léonore, c’est moi ! Je fus
criminel ! Eh bien, sache-le… S’il fallait, pour t’empêcher
d’appartenir à Roland, être plus odieux, plus lâche et plus vil
encore, s’il fallait ouvrir l’enfer et me mettre à la tête de ses
démons pour menacer le Ciel, Léonore, je le ferais ! Des
crimes ! Pour que tu sois à moi, pour que tu ne sois pas à
l’homme exécré, des crimes, j’en commettrai. Je noierai Venise dans
l’horreur, et je changerai ses canaux en fleuves de sang, mais
j’atteindrai ton Roland ! Il m’a vaincu déjà ! Il m’a
bafoué ! Il m’a souffleté de son mépris ! Il a fait crier
en moi les fibres les plus secrètes de mon orgueil… Mais tout cela
n’est rien, vois-tu ! Que Roland m’écrase de sa pitié
insultante, qu’il m’accable de sa grâce, qu’il m’insulte, tout cela
ne compte pas ! Ce qui compte et ce qui le condamne, ce qui
fait que, pour mieux l’atteindre, je révolutionne Venise, ce qui
fait que je lui ouvrirai moi-même les entrailles et que je me
repaîtrai de son cœur maudit, c’est que tu
l’aimes !… »
    Haletant, la gorge en feu, les yeux sanglants, Altieri, à ces
mots, marcha sur Léonore. Elle ne broncha pas.
    Une main appuyée au dossier d’un fauteuil, elle garda ses yeux
fixés sur le cadavre, funèbre témoin de cette scène violente.
    Les deux poings d’Altieri se levèrent, comme pour écraser
Léonore. Alors, seulement, elle tourna un peu la tête de son
côté.
    « Achevez donc, dit-elle d’une voix basse et pénétrante,
achevez votre œuvre. Quand vous m’aurez tuée, il ne restera plus
personne à assassiner autour de vous. »
    Dans un geste de rage exaspéré, Altieri laissa retomber ses
bras. Il recula.
    « Adultère ! » gronda-t-il.
    L’insulte, maintenant, se pressait sur ses lèvres blêmies.
    Un tressaillement agita Léonore.
    « Oui, adultère ! continua-t-il. Adultère par la
pensée, adultère par cet amour que vous n’osez ni avouer ni renier.
Moi, je suis franc, au moins ? Je vous aimais. Je vous aime
toujours en véritable insensé. Eh bien, j’ai fait ce que je devais
pour vous avoir toute à moi ! Mais vous, vous qui en aimiez un
autre, vous avez accepté de porter mon nom. On aime la trahison,
dans votre famille ! Vous vous transmettez cela de père en
fille !… Mais répondez donc !
    – J’ai à dire que je vous fais grâce…
    – Vous !… Vous… me faites grâce ! haleta
Altieri.
    – Ne m’avez-vous pas dit que Roland vous avait
gracié ?… Une femme doit se conformer en tous points à la
pensée de l’homme qu’elle aime. »
    Altieri saisit ses cheveux à pleines mains.
    « Oh ! rugit-il, pouvoir la tuer !
l’écraser ! Mais non… je suis trop lâche… je l’aime
trop !…
    – Allez, Altieri, acheva Léonore, je vous fais grâce… comme
lui vous a fait grâce !… »
    Il recula jusqu’à la porte, tendit le poing et gronda :
    « Soyez maudite ! »
    Et il s’enfuit. Léonore retomba dans son fauteuil.
    « Non, murmura-t-elle, il n’a pas osé me tuer… Je serai
donc obligée de me tuer moi-même… »
    Cette parole de désespoir indique la pensée qui avait guidé la
malheureuse femme en essayant de surexciter Altieri comme elle
l’avait fait. En vain son mépris avait été jusqu’à la cruauté…
    Elle était vivante encore !… alors qu’elle avait espéré
qu’Altieri

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