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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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abîme la séparait de l’homme accepté pour époux.
    Sur ses indications claires et précises, le corps de son père
fut porté par des valets dans la sente d’une gondole, et une heure
plus tard, Dandolo reposait sur son lit, dans sa chambre, habillé
de son costume de cérémonie de grand inquisiteur.
    Personne dans Venise ne sut quelle avait été la fin tragique de
Dandolo.
    Altieri avait assisté de loin au départ de Léonore sortant du
palais Arétin et il l’avait suivie jusqu’au moment où elle rentra
dans son appartement, escortant le corps de son père.
    Alors elle donna elle-même des ordres pour les funérailles
qu’elle fixa au surlendemain, 1 er février.
    Et, vaillante jusqu’au bout, elle se mit à veiller le mort…
    La journée se passa, morne et sans incidents pour Léonore.
    Mais si elle avait été moins préoccupée par les funèbres pensées
qui l’assaillaient, elle eût été sans doute frappée du mouvement
extraordinaire qui régnait dans le palais Altieri.
    Des officiers entraient et sortaient. Des gens à mine louche
venaient aussi à chaque instant, puis repartaient après avoir été
reçus par l’un des officiers d’Altieri, qui leur donnait
probablement des ordres au nom du capitaine général.
    La nuit vint. De longues heures s’écoulèrent sans doute.
    Léonore n’en avait pas conscience.
    Ni le temps ni les circonstances extérieures n’existaient plus
pour elle. Elle s’enfonçait, avec une joie mauvaise, dans des
pensées de suicide.
    Et ce qui la préoccupait surtout, c’était le moyen de mettre à
exécution son projet. Peut-être finit-elle par trouver une solution
satisfaisante, car ses traits se détendirent enfin, et elle se leva
du fauteuil où elle était assise, au pied du lit sur lequel Dandolo
dormait son éternel sommeil.
    Alors seulement, elle vit que quelqu’un était là qui la
regardait, et que ce quelqu’un était son mari.
    « Madame, dit sourdement Altieri, voilà trois longues
heures que je suis ici… et vous ne vous êtes pas aperçue de ma
présence… J’ai attendu patiemment que votre regard vînt à tomber
sur moi… Oh ! je sais nos conventions… Moyennant votre silence
sur mes projets, je m’étais engagé à ne jamais entrer ici, à ne
jamais vous parler… Cependant, aujourd’hui, il le faut… car ce que
j’ai à vous dire est grave, et je ne sais si je pourrai parler
encore sous peu…
    – Qu’avez-vous à me dire ? » demanda Léonore.
    Altieri tressaillit d’une joie profonde.
    Il n’y avait ni colère ni répulsion dans la voix de Léonore.
    Elle ne le repoussait pas violemment !…
    « Oh ! fit-il d’une voix tremblante, vous consentez
donc à m’écouter !…
    – Puisque vous avez rompu notre pacte, déchirez-le jusqu’au
bout. Parlez, je vous écoute. »
    Il est bon de remarquer qu’en consentant à recevoir Altieri et à
lui parler, Léonore était parfaitement logique avec elle-même.
    Tant qu’Altieri n’avait été que le mari dont elle avait horreur,
elle s’était arrangée pour s’épargner sa présence.
    Maintenant qu’elle était résolue à se faire la meurtrière du
capitaine général, il devenait un ennemi avec qui il fallait
prendre contact au plus tôt. Cette situation d’ennemi qu’elle
allait combattre relevait pour ainsi dire Altieri à ses yeux.
    Altieri reprit :
    « J’ai voulu vous parler devant la mort, devant ce qu’il y
a de plus sacré pour nous autres Vénitiens. Votre père que je
haïssais de son vivant n’est plus maintenant qu’un témoin impartial
de l’effort suprême que je veux tenter. Je jure sur ce mort de vous
parler selon la vérité que contient mon cœur… », ajouta-t-il
étendant la main.
    Elle demeura silencieuse, immobile et froide.
    « Madame, dit alors le capitaine général, vous savez quels
graves événements se préparent… Vous êtes au courant de la
conspiration du patriciat vénitien contre le doge Foscari ;
vous savez que c’est moi qui suis désigné pour le remplacer…
Après-demain, à midi, j’aurai mis sur ma tête la couronne ducale de
Venise. Rien ne peut sauver Foscari à l’heure présente, et rien ne
peut m’empêcher de prendre un titre que nul n’oserait me
contester… »
    En parlant ainsi, Altieri étudiait attentivement Léonore,
espérant, dans un geste, dans un signe, surprendre sa pensée.
    « Vous occuperez donc, reprit-il, une situation qui est
presque celle d’une reine, situation en tout cas

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