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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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vais mourir…
mourir désespérée, seule, sans un regard d’affection autour de
moi… »
    « Qui est là ? » demanda tout à coup le vieux
doge.
    Il avait perçu le léger bruit du sanglot et, instinctivement,
étendait ses mains en avant.
    Léonore était demeurée immobile, frémissante, éperdue.
    « Qui est là ? reprit le vieillard. Est-ce toi,
Philippe ?… »
    Léonore était dans une de ces minutes d’émotion suprême où l’on
vit une vie anormale, où l’âme ballottée comme une épave perd le
sens de la direction, où il semble que le cœur va éclater…
    Elle allait se tuer.
    Quelques minutes encore, et elle ne serait plus.
    Déjà l’amertume de la mort était en elle.
    Et ce besoin si absolu, si profondément humain, d’épancher sa
désolation, s’empara d’elle.
    Elle se laissa tomber à genoux, près du vieux Candiano, saisit
sa main et, sanglotante, laissa parler sa douleur :
    « Celle qui est là est une pauvre fille que vous ne voyez
pas, mais que vous avez vue jadis, monseigneur doge… Vous
rappelez-vous encore Léonore Dandolo ? Vous souvenez-vous
comme vos yeux brillaient et comme votre cœur se dilatait
lorsqu’elle vous tendait son front ? Vous souvenez-vous qu’un
jour vous avez dit : Cette enfant est née pour le bonheur… Eh
bien, monseigneur doge, la malheureuse qui pleure à vos pieds,
c’est Léonore Dandolo…
    – Qui m’appelle doge !… Je suis donc le doge ?…
Moi !… Quelle plaisanterie !… »
    Léonore n’entendit pas ces paroles du fou.
    Elle continua son lamento parmi des sanglots :
    « Ô mon père ! Vous ne savez pas l’affreux malheur qui
s’est abattu sur moi… On a aveuglé vos pauvres yeux… Moi, on m’a
aveuglé l’âme… On a brûlé vos paupières… Moi, on m’a broyé le cœur
et on m’a défendu d’aimer… Vous ne savez pas le supplice atroce que
cela est ! Aimer de toute son âme, et savoir qu’il me méprise,
sans que je puisse lui prouver que je suis digne de lui. Ma seule
faute fut de vouloir sauver mon père… Oh ! monseigneur doge,
c’est tout de même trop injuste, cela ! Je vais mourir, et
avant de m’en aller à jamais, je veux vous crier mon innocence et
en appeler à votre justice ! »
    Le vieillard avait pâli. Ses mains tremblaient légèrement.
    Il murmura :
    « Qui pleure donc ainsi ?… Qui donc a assez souffert
pour que de tels accents puissent déchirer des oreilles
humaines ?…
    – Léonore, monseigneur doge, votre Léonore ! Celle que
vous appeliez votre petite Léonore !… Léonore Dandolo… Vous
l’avez donc oubliée(NB: Léonore ignorait la folie du vieux
Candiano.) ?… Quoi ! Encore cette douleur, alors que
j’attendais pour mourir la bénédiction qui allait tomber de vos
lèvres !
    – Léonore !… Léonore Dandolo ! murmura le fou en
tâtonnant dans les ténèbres éternelles de ses yeux. Il me semble,
en effet… oui… une belle fille… belle et sage… oui… j’ai dû la
connaître… Et vous dites que Léonore Dandolo a beaucoup
souffert ? »
    La malheureuse eut un cri de désespoir farouche :
    « Je dis qu’elle sanglote à vos pieds, et qu’elle se
meurt ! Voilà ce que je dis, monseigneur doge ! Je dis
que le ciel et la terre sont des abîmes d’iniquité, puisque des
innocents peuvent être condamnés comme je l’ai été, puisque belle,
jeune, éprise de vie, je suis poussée à la mort par le crime des
autres !
    – Léonore Dandolo ! murmurait le vieillard d’une voix
étrange. Attendez… ne venait-elle pas jadis, il y a longtemps, bien
longtemps… dans un palais… près d’un canal… un palais plein de gens
magnifiques ?…
    – Votre palais, monseigneur doge !… Quoi !
auriez-vous donc souffert, vous aussi, au point de perdre la
mémoire !… Ah ! que maudits soient les auteurs de tant de
malheurs !
    – Il est trop tard pour les maudire ! » gronda
une voix rude, rauque, haletante.
    Léonore se releva d’un bond, se retourna :
    Altieri était devant elle !
    Mais Altieri, poudreux, déchiré, le visage ensanglanté,
terrible, les yeux convulsés, les cheveux en désordre, les muscles
de la face tordus par d’effroyables passions déchaînées. Il fit un
pas vers Léonore.
    « Tu veux mourir ! rugit-il. Viens ! Mourons
ensemble ! Mais avant de mourir, j’aurai tes baisers… tu seras
à moi… »
    Léonore recula.
    En reculant, elle se heurta au vieux doge qui venait de se
dresser tout debout, et

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