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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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murmura-t-il. Mais lui seul
peut… »
    Et il se mit à courir à toutes jambes vers le grand cèdre qui se
trouvait au milieu du jardin.
    Dix minutes plus tard, il en revenait, entraînant avec lui le
doge Candiano qu’il venait de faire sortir de la cachette où Roland
l’avait fait descendre pour la journée.
    Il l’installa dans la salle à manger.
    « Attendez-moi, monseigneur », dit-il…
    L’aveugle, indifférent, s’était laissé faire.
    Le vieux Philippe monta rapidement l’escalier.
    Il frappa à la porte de Léonore, ayant soin de crier :
    « C’est moi, signora… »
    Léonore vint ouvrir.
    « Que veux-tu ? » demanda-t-elle doucement.
    En même temps, elle cachait dans son corsage un flacon
minuscule.
    Ce mouvement ne put échapper au vieux serviteur.
    « Voilà ce que je redoutais ! », songea-t-il.
    « Que veux-tu ? demanda encore Léonore, très
doucement.
    – Signora ! Signora ? pourquoi avez-vous remis
vos vêtements de jeune fille ! s’écria le vieillard en
joignant les mains.
    – Est-ce là ce qui t’inquiète ?… Un caprice…
    – Signora ! Signora ! pourquoi venez-vous de
cacher du poison dans votre sein ? »
    Elle détourna la tête et, pour la troisième fois, demanda avec
la même douceur :
    « Que veux-tu ?…
    – Signora… un homme est là, en bas, dans la salle à manger,
qui veut vous parler…
    – Un homme ?…
    – Oui… quelqu’un que vous connaissez… un noble vieillard
que jadis vous aimiez comme un père…
    – Comme un père ! dit sourdement Léonore.
    – Signora, si cinquante années de bons services passées
dans la maison Dandolo méritent une récompense, si vous n’avez pas
oublié que je guidai vos premiers pas dans ce jardin, que vous
fûtes toujours ma constante adoration, consentez à voir cet homme
qui vous attend… »
    Deux larmes coulaient sur ses joues ravagées par la vieillesse
et les chagrins.
    Une puissante émotion étreignit le cœur de Léonore.
    « Soit ! dit-elle faiblement. Descendons… »
    Qu’espérait donc le vieux Philippe en entraînant Léonore auprès
du père de Roland ?
    Avait-il surpris chez ce pauvre dément quelque lueur d’un réveil
d’intelligence ?
    Léonore, au moment de descendre, demanda :
    « Quel est cet homme ?
    – Vous l’allez voir, signora », répondit Philippe en
s’élançant.
    Elle descendit plus lentement.
    Elle avait revêtu le costume qu’elle portait la veille de
l’arrestation de Roland Candiano, costume conservé non seulement
avec le soin qu’on accordait alors aux objets d’usage familial,
mais encore avec toute la piété du souvenir.
    Lorsque Léonore entra dans la salle à manger, elle vit un homme
seul, assis dans un fauteuil, le visage tourné vers la lumière.
    Philippe avait disparu.
    Léonore s’avança et reconnut aussitôt le vieux doge.
    « Le père de Roland ! » murmura-t-elle.
    Et tout d’abord, elle recula avec une sorte d’effroi.
    « Non ! oh ! non ! balbutia la malheureuse
jeune femme. Je ne veux pas qu’il me voie… »
    Mais tout aussitôt, elle se souvint que le doge avait subi
l’affreux supplice de l’aveuglement.
    Alors elle s’avança doucement et contempla le vieillard.
    Et elle songeait :
    « Comme les années et le malheur l’ont peu changé !…
Il me semble le voir encore tel que je le vis le soir où il vint
ici, dans cette salle même, et me prenant la main, me dit en
souriant : « Je ne pouvais souhaiter une fille plus belle
ni plus sage… » Comme j’étais heureuse alors ! Comme mon
pauvre cœur battait tandis qu’il me parlait ainsi !… Et puis
il ajoutait que son fils ne parlait que de moi, qu’il en était
comme fou, et qu’il fallait le morigéner d’importance pour qu’il
vaquât à ses affaires au lieu de passer son temps à me faire des
vers… Il me disait tout cela en riant… »
    Léonore, à ce souvenir, se prit à sourire.
    « Quel bon vieillard c’était !… Lorsque j’allais au
palais ducal, et qu’il m’admettait avec mon père à sa table
familiale, il ne voulait pas qu’il fût question d’étiquette ;
lui-même me plaçait auprès de Roland, et il me grondait en riant
pour l’appeler monseigneur, me disant que le titre de père dans ma
bouche lui paraissait bien plus beau. Oui, il rayonnait de bonté…
Comme j’étais heureuse !… »
    Et cette fois, ce fut un sanglot qui déchira sa gorge.
    « Maintenant, c’est fini, murmura-t-elle… je

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