Les Amazones de la République
devait plus tarder. La harponnant dâun dernier regard, plus vrillant cette fois-ci, il lui sourit comme on sourit à lâinconnue que lâon va mettre en cage : un sourire dâoiseleur en passe dâapprivoiser une espèce rare. Pourtant, François Mitterrand connaît bien sa proie. « Comment allez-vous, Florence ? » Tout en prononçant ces mots, il a franchi, tel un passe-muraille, le rempart de gardes du corps et de conseillers qui lâencerclent pour se rapprocher de la journaliste, quâil entraîne alors à ses côtés, lui frôlant le coude de sa main, avec la lenteur dâun koala agrippé à sa branche.
Au bas du perron de lâhôtel de ville, câest la foule des grands jours : politiques, militants, badauds, télés et radios, la cohue est immense. Et Mitterrand, qui a accéléré le pas, descend, une à une, les marches conduisant à la place du Capitole. Avec, à côté de lui, une journaliste prise dâune griserie courtoise, polie, maîtrisée, mais quâun président de la République colle tel un serre-livres.
Dâautres se seraient enfuies, telle lâaraignée qui sâéchappe quand une main sâapproche, mais celle de Mitterrand lâenserrait, tel un étau.
Et câest à cet instant que la journaliste le voit se pencher doucement pour lui chuchoter à lâoreille, dâune voix basse et enveloppante : « Regardez, Florence, comment tous ces gens vous regardent ! Ils sont là pour vousâ¦Â »
Ainsi sâopèrent les miracles : la place gigantesque qui rapetisse, les cris de la foule qui se transforment en pépiements et la forêt de micros et de caméras qui deviennent brindilles.
Ãtourdie, décontenancée par le caractère imprévu et décalé du propos, la journaliste bredouille une réponse au milieu dâun léger fou rire, marquant une forme dâétonnement indocile : « Mais, président, vous exagérez peut-être un petit peu, ne pensez-vous pas ? »
Et Mitterrand de lui répliquer, embarqué dans une cavalcade dâamabilités : « Pas du tout, Florence, cette foule se demande, en vérité, quelle est donc cette mystérieuse et jolie jeune femme qui se tient au côté du président de la République. Et ils vous trouvent tous belle, oui, très belleâ¦Â »
On lâaura deviné, François Mitterrand nâest pas insensible au charme de cette journaliste. Câest ainsi que, quelques semaines plus tard, il lâinvita à déjeuner à lâÃlysée, en compagnie de Michel Berger, Jacques Attali, France Gall, et du judoka Thierry Rey, qui deviendra plus tard le compagnon de Claude Chirac. Si cette invitation a pour objet dâévoquer lâopération « Sport Aid », que vient de lancer Michel Berger en faveur des pays du tiers-monde, et notamment de lâAfrique noire, elle est aussi lâoccasion pour le locataire de lâÃlysée de retrouver celle sur laquelle il a jeté son dévolu.
Et câest avec le pinceau de ses mots quâil compte bien lui ciseler, au moment du dessert, quelques amabilités en plein milieu dâun toboggan dâévocations historico-politiques de sa confection : les mignardises dâun président de la République en surcharge pondérale sur le plan féminin, dès lors quâune ravissante amazone pénètre dans son périmètre.
à lâassaut de celle quâil convoitait, François Mitterrand tira ses feux dâartifice devant une Florence Schaal aucunement dupe. Car, ce jour-là , le filet sâabattit un peu trop lourdement sur celle qui sâéchappa de sa nasseâ¦
Introduction
Si Florence Schaal ne succomba jamais aux avances de lâancien locataire de lâÃlysée, malgré des assauts répétés, combien parmi ses consÅurs, abaissant sans résister leur pont-levis, se sont laissé embarquer avec la mine de mendiantes implorant la charité ? Combien se sont engouffrées, tard dans la nuit, sur la banquette arrière de sa limousine au terme dâun meeting, avant de sây alanguir à lâheure du repos du guerrier ? Là où il était temps pour ce dirigeant politique de faire passer son plaisir avant le salut de
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