Les Amazones de la République
lâempire.
Toute femme serait-elle soumise aux lois de lâattraction politique, quand elle sâapproche de son épicentre ? Parce quâil nâest quâéloges, regards appuyés, aguichages et courtisanerie, le carburant dâun locataire de lâÃlysée tient de la potion aphrodisiaque. Et lâagenda de ses rendez-vous dâun carnet de bal. « Sâapprocher du politique, câest embrasser lâOlympe », écrit le psychanalyste Jean-Claude Liaudet, qui parle dâune « fascination quasi divine ». « Et lorsque ces héros se montrent humains, ajoute le âpsyâ, ils sont encore plus séduisants : le demi-dieu se mêle alors aux hommes. »
Et ce nâest pas pour rien que lâÃlysée sâappelle ainsi. LâÃlysée ? Ce paradis où séjournaient les héros de la mythologie grecque ? Faut-il être un grand séducteur pour franchir le seuil de cette cathédrale du pouvoir, jusquâà y développer une sexualité débridée. Une chose semble acquise : lâivresse du lieu, comme celle de toutes cimes en politique, nâest pas loin de ressembler à celle que peuvent ressentir ceux qui franchissent certains sommets himalayens. Situé en altitude, ce pic de la République semble un col doté dâun microclimat étrange, qui transcende ceux qui lâhabitent. Et qui enivrent ceux qui sâen approchent.
Comme si le fond de lâair, saturé dâun mystérieux éther urbain, sâen trouvait modifié, ce Château vous plonge dans un état second. Dâun jour à lâautre, celui qui arpentait encore, la veille du second tour des présidentielles, à une poignée de bulletins de cet épicentre du pouvoir, les tréteaux de campagne, le teint dâivoire, blanc cassé par les veilles, devient, non seulement une icône, mais un être soudainement sexué.
Et tout se brouille. Ses bavardages de candidat et les propos de comptoir quâil tenait encore hier passent au rang de prophéties ; les banalités quâil débitait lâavant-veille, des fulgurances replacées dans lâécrin dâune pensée au laser. Et le fauteuil sur lequel il sâassied désormais, un imaginaire piédestal.
Quant à ses artifices de VRP, quâil déployait quelques jours plus tôt pour séduire des bécasses, ils deviennent lâexpression du charme irrésistible dâun tombeur-né. Qui plus est doté dâun sex-appeal de matador.
Longtemps mirage et cité interdite, lâÃlysée sâoffre alors à lui avec les effets dâun traitement vitaminé, coupé dâune dose de Viagra. Câest la magie du lieu : celui qui vivait jusquâici une vie normale découvre les vertiges dâune République adultérine, qui voit sâaffoler les équilibres hormonaux dâune armée de courtisanes au bord du collapsus.
Lâhistoire récente de la V e  République est ainsi peuplée dâanecdotes savoureuses, qui ont vu une armée de belles amazones montées sur escarpins franchir, sans crier gare, les grilles du 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Comme celles dâun banal square dâarrondissement, afin dây rejoindre son locataire dans un bureau transformé, selon les cas, en confessionnal, alcôve ou garçonnière.
Sâil a fallu cinq ans à Nicolas Sarkozy et François Hollande pour effectuer le trajet qui mène aux appartements de ce Château, il nâaura suffi que de quelques heures à certaines dâentre elles pour en connaître la couleur des traversins. Comme une collection de poupées posées sur les coussins de lâHistoire, ces courtisanes, favorites ou confidentes dâun soir, dâun mois ou dâune mandature â journalistes ou non â, sont légion à avoir succombé à cette tradition de saine immoralité, affichant pour certaines dâentre elles des tableaux de chasse éblouissants.
Nous allons y venir.
Et câest ainsi depuis des décennies : comme deux chevaux arrimés au même harnais, politiques et journalistes galopent de concert dans une fascination réciproque. Lâancien chef de la diplomatie américaine, Henry Kissinger, dont le palmarès féminin fit sensation dans la profession lors
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