Les Amazones de la République
nuits, dans les étages de cet édifice, où elle disposa même dâun lit. Au point quâil lui arrivait de débarquer au beau milieu dâune séance, dans lâhémicycle, chaussée de charentaises. Lors dâun congrès de lâUNR, le lointain ancêtre de lâUMP, dont Jacques Chirac était déjà lâun des caciques, à Ajaccio, les journalistes présents demandèrent aux policiers en faction pourquoi les barrières protégeant ce rassemblement sâétaient soudainement ouvertes pour laisser passer celle que saluaient respectueusement quelques gradés : « Mais câest M me  Tomasini ! » â du nom de lâun des barons de lâUNR et dont Danièle Breem était, à lâépoque, la maîtresse attitrée â, rectifia, solennel, lâun de ces galonnés.
Quarante plus tard, les mÅurs en vigueur sous les dorures de cette salle des Quatre-Colonnes nâont guère évolué. Et les bésicles de nos parlementaires se transforment en drones, dès lors quâune nouvelle tête apparaît dans le cheptel. Câest ce quâil se produisit à la fin des années quatre-vingt, quand une poignée de députés se réunirent en conclave, toute séance tenante, à la buvette de lâAssemblée, afin dâélire « la » journaliste du mois : lâun des rites de cette maison, à lâépoque. Et câest dâune même voix quâils désignèrent une toute jeune consÅur, aux atouts imbattables et à la plastique insolente : Valérie Trierweiler.
Mais qui sont-elles, ces journalistes croqueuses de présidents, entraperçues à travers les Åilletons des palais de la République et qui ont égayé le quotidien des différents locataires de lâÃlysée, jusquâà faire perdre la tête à certains ? Lâun dâentre eux frôla même lâabîme pour avoir succombé au charme dâune ravissante amazone, mettant en péril à la fois son foyer, sa carrière et son destin⦠Tantôt égéries et confidentes, pécheresses et saintes-nitouches, tantôt divas, maîtresses à éclipses ou aventurières dâun jour, dâun mois ou dâune mandature, certaines furent à la fois Phèdre, Mata Hari et Lily Marlène⦠La politique est leur église et lâÃlysée, leur Vatican. Bien avant elles, deux femmes sâillustrèrent au point de laisser leur nom dans lâhistoire : la marquise de Crussol, qui se vanta de faire et défaire les gouvernements dans les bras de Daladier. Et Hélène de Portes, qui fut tout autant influente auprès de Paul Reynaud dont elle fut la maîtresse.
Or ces dévotes ont déchiré des hommes et consommé la vie à pleines dents, succombant aux mirages dâun lieu â lâÃlysée â et aux gris-gris de ses occupants. Après que ces derniers les eurent fait chavirer dâun revers de phrase ou de main.
Comme nous allons le voir.
Journalistes émérites, pour certaines, elles forment ainsi un club de chasseresses grisées par le pouvoir, cette amphétamine aux vertus aphrodisiaques, devenue pour quelques-unes une addiction. Or pour en atteindre la nef, puis lâautel, ces séminaristes en jupettes ont tout donné. Et parfois même tout sacrifié â foyers et carrières â, dans le seul but de se retrouver un soir, à la tombée de la nuit, dans le bureau du « président », face aux fenêtres qui donnent sur ce parc peuplé de fantômes. Là où lâHistoire sâest enracinée depuis des décennies, comme du chiendent. Au point que chaque homme ou chaque femme qui franchit encore aujourdâhui le seuil de cet édifice se croie visité par la grâce dâun moment unique.
Un soir à lâÃlysée⦠Elles ont toutes dévoré ces instants privilégiés, où demeurer insensible à la magie du lieu serait une impiété. Magie du lieu : quand le Château sâest vidé, que le silence sây installe. Et que lâhomme, qui préside de son Aventin à la destinée du pays, tombe enfin le masque et la veste. Puis sâoffre à elle. Courtisée, cette bâtisse a reçu tous les hommages. Elle a vu défiler des
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