Les Amazones de la République
people comme des faire-part. Nos trois derniers présidents de la République se sont ainsi taillé des réputations de séducteurs qui les suivront outre-tombe â des « serial lovers » qui sâinscrivent dans une longue tradition.
Installés au pinacle en leur Vatican élyséen par un peuple dont ils ont reçu lâonction, les papes de la V e  République se seront tous défroqués. Avec, chez les uns, un côté ripailleur et chevaucheur de jeunes assistantes ou de secrétaires. Et chez les autres, un art appliqué du donjuanisme. Nos grandes figures politiques sont dâindécrottables séducteurs grisés par la gloire. Et ce statut leur confère, sur le plan de leur intimité et de leur sexualité, une quasi-immunité : un blanc-seing autrefois baptisé « droit de cuissage ».
Or les Français ne sâen offusquent pas. Câest oublier que les peuples aiment les odeurs de soudards, les histoires de trousseurs de jupons et les récits de hussards. Comme les destins troubles et dâaventuriers, tels que celui dâun François Mitterrand. Le philosophe Merleau-Ponty « nâavait que désir de séduire, en appliquant une très ancienne recette, écrivit un jour Jean Cau, qui consiste à faire croire à des péronnelles et à des Bovary que sâentretenir avec vous les rend intelligentes. Et dâune intelligence que nul avant vous nâa, criminellement, pas remarquée. Ãa va loin et jâespère jusquâau lit », concluait le même homme. Le plus souvent, aurait-il dû compléter. Nâest-ce pas ce qui sâappelle « régner », quand on a élu domicile à lâÃlysée ?
Depuis Giscard â et même de Gaulle, à qui lâon prêta quelques liaisons discrètement enfouies dans les catacombes de lâhistoire â, tous les locataires du palais de lâÃlysée ont ainsi enchaîné les liaisons : de lourds secrets, parfois, protégés par des entourages condamnés au silence, mais qui sont, en vérité, secrets de Polichinelle.
LâÅil qui vrille et dâelles toujours ivre : la politique du boudoir ne date pas dâhier. Et si lâoreiller, chez une journaliste, est le stade ultime de la connivence, ces mÅurs sâinscrivent dans une tradition quasi républicaine. « Un homme qui ne boit que de lâeau a quelque chose à cacher à ses semblables », disait Baudelaire. Mais un homme politique qui porte en bandoulière sa rectitude nâest-il pas regardé, par lâopinion, comme une chose émasculée ? Les rares abstinents connus â Ãdouard Balladur, Lionel Jospin et Raymond Barre â, dont lâÅil, dit-on, nâa jamais vrillé au passage dâune jolie femme, marchèrent allègrement, et naïvement purs, vers la défaite. Après avoir affiché, pour lâopinion, au revers de leur veste, leur ascétisme et une indéfectible fidélité à lâêtre aimé. Comme dâautres portent lâÅillet à la boutonnière.
Eussent-ils caressé quelques autres gaines et sâen fussent-ils vanter, leur image sâen serait-elle trouvée modifiée et leur destin bouleversé ? Allez savoir⦠Jacques Chirac, grand chasseur devant lâÃternel, fit la carrière que lâon sait, après quâil eut failli la sacrifier â et quitter Bernadette â, pour une journaliste dont le nom, couché dans les carnets roses de la République, est connu de quelques-uns. Là encore, nous y reviendronsâ¦
Quant à « lâhomme à la rose », François Mitterrand, qui bascula dans ses boudoirs nombre de jeunes femmes qui tricotaient de la plume, il fit du menu bois de son foyer, noyant sa légitime au milieu dâune foule de liaisons morganatiques. Quâon le veuille ou non, lâapparition de Mazarine â tombée un beau matin du ciel pour sâétaler en couverture de Paris Match â, comme la chronique de ses nombreuses liaisons, contribuèrent à nourrir le mythe. Et à transformer, comme dit lâautre, une vie en destin. Connaît-on un autre président dans lâhistoire de ce pays qui se soit fabriqué, de son vivant â et rien que pour
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