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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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d’une plainte sourde, d’un gémissement, parfois
d’un juron, parfois d’un cri étouffé. Et à chacun de ses coups un
homme s’affaissait, était enlevé par ceux qui venaient derrière,
passé de main en main, porté sur les derrières du cercle infernal
où on s’efforçait de le ranimer.
    Et pendant ce temps l’émeute déchaînée se déroulait comme un
torrent impétueux. Partout, sur la piste, sur les gradins, sur le
pavé de la place, dans les rues adjacentes, c’étaient des soldats
aux prises avec le peuple excité, conduit, guidé par les hommes du
duc de Castrana.
    Partout c’était le choc du fer contre le fer, les coups de feu,
le halètement rauque des corps à corps, les plaintes des blessés,
les menaces terribles, les jurons intraduisibles, les cris de
triomphe des vainqueurs et les hurlements désespérés des fuyards
et, par-ci par là, couvrant l’effroyable tumulte, tantôt sur un
point, tantôt sur un autre, une formidable clameur éclatait, à la
fois cris de ralliement et acclamation :
    – Carlos ! Carlos ! Vive le roi Carlos !
    Tout de suite Pardaillan remarqua qu’on le laissait patiemment
user ses forces sans lui rendre ses coups. Les paroles de
Bussi-Leclerc à Fausta lui revinrent à la mémoire et, en continuant
son horrible besogne ; il songea :
    « Ils me veulent vivant !… J’imagine que Fausta et son
digne allié, d’Espinosa, ont dû inventer à mon intention quelque
supplice inédit, savamment combiné, quelque chose de bien atroce et
de bien inhumain, et ils ne veulent pas que la mort puisse me
soustraire aux tortures qu’ils ont résolu de m’infliger. »
    Et comme ses bras, à force de servir de massues, sans arrêt ni
repos, commençaient à éprouver une raideur inquiétante, il
ajouta :
    « Pourtant, ceux-ci ne vont pas se laisser assommer
passivement jusqu’à ce que je sois à bout de souffle. Il faudra
bien qu’ils se décident à rendre coup pour coup. »
    Il raisonnait avec un calme admirable en semblable occurrence et
il lui apparaissait que le mieux qui pût lui advenir c’était de
recevoir quelque coup mortel qui l’arracherait au supplice qu’on
lui réservait.
    Il ne se trompait pas dans ses déductions. Les soldats, en
effet, commençaient à s’énerver. Aux coups méthodiquement assénés
par Pardaillan, ils répondirent par des horions décochés au petit
bonheur. Quelques-uns, plus nerveux ou moins patients, allèrent
jusqu’à le menacer de la pointe de leur épée. Il eût, sans nul
doute, reçu le coup mortel qu’il souhaitait si une voix impérieuse
n’avait arrêté net ces tentatives timides, en ordonnant :
    – Bas les armes, drôles !… Prenez-le vivant !
    En maugréant, les hommes obéirent. Mais comme il fallait enfin
en finir, comme la patience a des limites et que la leur était à
bout, sans attendre des ordres qui tardaient trop, ils exécutèrent
la dernière manœuvre : c’est-à-dire que les plus rapprochés
sautèrent, tous ensemble, d’un commun accord, sur le chevalier qui
se vit accablé par le nombre.
    Il essaya une suprême résistance, espérant peut-être trouver la
brute excitée qui, oubliant les instructions reçues, lui passerait
sa dague au travers du corps. Mais soit respect de la consigne,
soit conscience de leur force, pas un ne fit usage de ses armes.
Par exemple, les coups de poing ne lui furent pas ménagés, pas plus
qu’il ne ménageait les siens.
    Un long moment, il tint tête à la meute, en tout pareil au
sanglier acculé et coiffé par les chiens. Ses vêtements étaient en
lambeaux, du sang coulait sur ses mains et son visage était
effrayant à voir. Mais ce n’étaient que des écorchures
insignifiantes. À différentes reprises, on le vit soulever des
grappes entières de soldats pendus à ses bras, à ses jambes, à sa
ceinture. Puis, à bout de souffle et de force, écrasé par le nombre
sans cesse grandissant des assaillants, il finit par plier sur ses
jambes et tomba enfin à terre.
    C’était fini. Il était pris.
    Mais les bras et les jambes meurtris par les cordes, il
apparaissait encore si terrible, si étincelant que, malgré qu’il
lui fût impossible d’esquisser un geste tant on avait multiplié les
liens autour de son corps, une dizaine d’hommes le maintenaient, de
leurs poignes rudes, par surcroît, cependant que les autres
formaient le cercle autour de lui.
    Il était debout cependant. Et son œil froid et acéré se posait
avec une fixité

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