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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dans
l’accomplissement de la mission qui m’était confiée.
    « Mais aussi, monseigneur, convenez que vous avez agi avec
une étourderie sans égale. Trop d’assurance nuit parfois, et s’il
sied d’avoir confiance en soi, il ne faut cependant pas forcer la
mesure sous peine de tomber dans la présomption et de consommer la
ruine d’entreprises qu’on s’est donné bien du mal à mettre sur
pied. Vous en faites la triste expérience. À force de vouloir
pousser les choses à l’excès, à force de présomption, vous avez
fini par perdre la partie que vous aviez si belle. Convenez qu’elle
n’était pourtant pas égale cette partie, et que vous aviez tous les
atouts dans votre jeu. Convenez aussi que je ne vous ai pas pris en
traître, et vous ne sauriez en dire autant… soit dit sans vous
offenser.
    D’Espinosa avait écouté jusqu’au bout avec une attention
soutenue. Il ne manifestait ni dépit, ni crainte, ni colère. Et à
les voir : Pardaillan parlant avec simplicité sans éclats de
voix intempestifs, avec des gestes mesurés : d’Espinosa
écoutant gravement, approuvant parfois d’un hochement de tête
significatif, on n’eût, certes, pu soupçonner le drame mortel qui
se jouait entre ces deux hommes, en apparence si calmes, si
paisibles.
    – Ainsi, fit d’Espinosa, vous avez pu résister à la
puissance du stupéfiant qu’on vous a fait boire ?
    Pardaillan se mit à rire doucement du bout des dents.
    – Mais, monsieur, fit-il avec son air ingénument étonné,
quand on veut faire prendre un stupéfiant pareil à celui dont vous
parlez, encore faut-il s’arranger de manière à ce que ce stupéfiant
ne trahisse pas sa présence par un goût particulier. Voyons, c’est
élémentaire, cela.
    – Cependant, vous avez absorbé le narcotique.
    – Eh ! précisément, monsieur. Raisonnablement,
pouvez-vous penser qu’un homme comme moi se sentira terrassé par un
sommeil invincible pour une ou deux malheureuses bouteilles qu’il
aura vidées, sans que ce sommeil suspect éveille sa méfiance ?
Cette méfiance a suffi pour me faire remarquer que votre stupéfiant
avait changé – oh ! d’une manière imperceptible – le goût du
saumur que je connais fort bien. Cela a suffi pour que le contenu
de la bouteille suspecte s’en allât se mélanger aux eaux sales de
mes ablutions.
    – Cela tient, dit gravement d’Espinosa, à ce que, me
méfiant de votre vigueur exceptionnelle, j’avais recommandé de
forcer un peu la dose du poison. N’importe, je rends hommage à la
délicatesse de votre odorat et de votre palais, qui vous a permis
d’éventer le piège auquel d’autres, réputés délicats, s’étaient
laissé prendre.
    Pardaillan s’inclina poliment, comme s’il était flatté du
compliment. D’Espinosa reprit :
    – En ce qui concerne le poison, la question est élucidée.
Mais comment avez-vous pu deviner que mon dessein était de vous
acculer à la folie ?
    – Il ne fallait pas, dit Pardaillan en haussant les
épaules, il ne fallait pas dire, devant moi, certaines paroles
imprudentes que vous avez prononcées et que Fausta, plus experte
que vous, vous a reprochées incontinent. Fausta elle-même n’aurait
pas dû me dire certaines autres paroles qui ont éveillé mon
attention. Enfin, il ne fallait pas, ayant commis ces écarts de
langage, me faire admirer avec tant d’insistance cette jolie
invention de la cage où vous enfermez ceux que vous avez fait
sombrer dans la folie. Il ne fallait pas m’expliquer, si
complaisamment, que vous obteniez ce résultat en leur faisant
absorber une drogue pernicieuse qui obscurcissait leur
intelligence, et que vous acheviez l’œuvre du poison en les
soumettant à un régime de terreur continu, en les frappant à coups
d’épouvante, si je puis ainsi dire.
    – Oui, fit d’Espinosa, d’un air rêveur, vous avez
raison ; à force d’outrance, j’ai dépassé le but. J’aurais dû
me souvenir qu’avec un observateur profond tel que vous, il
fallait, avant tout, se tenir dans une juste mesure. C’est une
leçon ; je ne l’oublierai pas.
    Pardaillan s’inclina derechef, et de cet air naïf et narquois
qu’il avait quand il était satisfait :
    – Est-ce tout ce que vous désiriez savoir ? dit-il. Ne
vous gênez pas, je vous prie… Nous avons du temps devant nous.
    – J’userai donc de la permission que vous m’octroyez si
complaisamment, et je vous dirai que je reste confondu de la force
de

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