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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dit
tranquillement :
    – Je sais maintenant dans quelle direction il me faudra
chercher la sortie… quand vous aurez cessé de vivre. Mais,
monsieur, votre compagnie m’est si précieuse que je ne saurais m’en
passer. Veuillez donc venir vous asseoir ici près de moi.
    Et sur un ton rude :
    – Et n’oubliez pas, monsieur, qu’au moindre mouvement
suspect de votre part, je serai obligé, à mon grand regret, de vous
plonger ce fer dans la gorge. Nous sortirons d’ici ensemble, et je
vous ferai grâce de la vie, ou nous y resterons ensemble jusqu’à
votre mort. Alors je chercherai à me tirer de là. Maintenant que,
grâce à vous, je sais où doivent se porter mes recherches, il
faudrait que je joue vraiment de malheur pour ne pas trouver.
    D’Espinosa se mordit les lèvres jusqu’au sang. Une fois de plus,
il venait de se laisser duper par ce terrible jouteur. Sans dire un
mot, sans essayer une résistance qu’il savait inutile, il vint
s’asseoir près de Pardaillan, ainsi que celui-ci l’avait ordonné,
et muet
,
farouche, il se plongea dans ses pensées.
    La situation était terrible. Mourir pour lui n’était rien, et il
était résolu à accepter la mort plutôt que délivrer Pardaillan.
Mais ce qui lui broyait le cœur, c’était la pensée de laisser son
œuvre inachevée.
    Tant de vastes projets, tant de grandes entreprises
laborieusement amorcées devraient donc rester en suspens, parce que
lui, ministre tout-puissant, lui, grand inquisiteur, chef redouté
de la plus redoutable des institutions, qui faisait trembler même
le pape sur son trône pontifical, lui, d’Espinosa, s’était laissé
jouer, bafouer, berner à ce point par un misérable aventurier,
gentilhomme obscur, sans feu ni lieu ! Et ceci n’était
rien : tout au plus piqûre d’amour-propre blessé.
    Ce qui était terrible, lamentable, grotesque, c’est qu’il
s’était laissé prendre comme un écolier et qu’il était entièrement
à la merci de cet aventurier qu’il croyait pousser dans le néant.
C’est que, par un incroyable et fabuleux renversement de rôles,
lui, le chef suprême, dans ce couvent où tout était à lui :
choses et gens, où tout lui obéissait au geste, il était le
prisonnier de cet aventurier qu’il croyait tenir dans sa main
puissante et qui pouvait d’un geste détruire, avec sa vie, tout ce
qu’il représentait de puissance, de richesse, d’autorité,
d’ambition.
    Oui, ceci était lamentable et grotesque. Quel effarement dans le
monde religieux lorsqu’on apprendrait que Inigo d’Espinosa,
cardinal-archevêque de Tolède, grand inquisiteur, avait
mystérieusement disparu au moment où, un nouveau pape devant être
élu, tous les yeux étaient tournés vers lui, attendant qu’il
désignât le successeur de Sixte Quint. Quelle stupeur lorsque l’on
saurait que cette disparition coïncidait avec une visite faite à un
prisonnier, dans un des cachots de ce couvent San Pablo où tout lui
appartenait !
    Quel éclat de rire lorsqu’on apprendrait enfin que le profond
politique, le diplomate consommé qu’on le croyait, s’était laissé
niaisement saisir, jeter dans une oubliette et finalement tuer. Par
qui ? Par un aventurier étranger, enfermé à triple tour dans
un cachot des sous-sols du couvent, et, qui pis est, débilité par
le supplice de la faim. Sa mémoire qu’il eût voulu laisser grande,
et sinon respectée du moins redoutée, serait un objet de risée
universelle.
    Telles étaient les pensées que ressassait d’Espinosa dans son
coin.
    Pardaillan ne paraissait pas s’occuper de lui. Mais d’Espinosa
savait qu’il ne le perdait pas de vue, qu’au moindre mouvement il
le verrait se dresser devant lui.
    Il n’avait d’ailleurs aucune velléité de résistance. Il
commençait à apprécier son adversaire à sa juste valeur et sentait
confusément que le mieux qu’il eût à faire était de s’abandonner à
sa générosité : il en tirerait certes plus d’avantages qu’à
tenter de se soustraire par la force ou par la ruse.
    Il était bien forcé de s’avouer que sur ces deux terrains, comme
sur tous les autres, il serait infailliblement battu par cet homme
dont il reconnaissait la supériorité. Et il se replongea dans ses
pensées.
    Après s’être dit qu’il consentirait à la mort pourvu que
Pardaillan mourût avec lui, il avait fait le compte de ce que lui
coûterait cette satisfaction, et en ressassant les pensées que nous
avons essayé de

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