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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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résistance que vous possédez. Car enfin, si je sais bien
compter, voici quinze longs jours que vous n’avez fait que deux
repas. Je ne compte pas le pain qu’on vous donnait : il était
mesuré pour entretenir chez vous les tortures de la faim et non
pour vous sustenter.
    En disant ces mots, d’Espinosa le fouillait de son regard aigu.
Et encore une fois, Pardaillan déchiffra sa pensée dans ses yeux,
car il répondit en souriant :
    – Je pourrais vous laisser croire que je suis en effet
d’une force de résistance exceptionnelle qui me permet de résister
aux affres de la faim, et là où d’autres succomberaient, de
conserver mes forces et ma lucidité. Mais comme vous paraissez
fonder je ne sais quel espoir sur mon état de faiblesse, je juge
préférable de vous faire connaître la vérité.
    Et allongeant la main, sans se déranger, il attira à lui ce
fameux manteau dont il ne pouvait plus se séparer, et aux yeux
étonnés de d’Espinosa, il en tira un jambon de dimensions
respectables, un flacon rempli d’eau et quelques fruits.
    – Voici, dit-il, mon garde-manger. Lors du mirifique festin
que me firent faire mes deux moines geôliers, je mangeai et bus
assez sobrement, ainsi que le commandait la prudence, vu l’état de
délabrement dans lequel m’avaient mis cinq longs jours de jeune.
Mais si je mangeai peu je profitai de ce que mes gardiens n’avaient
d’yeux que pour les provisions accumulées sur ma table et je fis
disparaître quelques-unes de ces provisions, plus deux flacons de
bon vin, plus quelques fruits et menues pâtisseries.
    « Ces provisions me furent d’un grand secours et c’est
grâce à elles que vous me voyez si vigoureux. Les dignes moines qui
avaient mission de me surveiller n’étaient pas, il faut croire,
très perspicaces, car ils n’ont rien vu. Quand mes deux flacons de
vin furent vides, j’eus soin de les remplir de l’eau claire,
quoique pas très fraîche, qu’on me distribuait. Je ne savais pas,
en effet, si un jour on ne me priverait pas complètement de
nourriture et de boisson.
    « Or je tenais à prolonger mon existence autant qu’il
serait en mon pouvoir de le faire. J’espérais, pour ne point vous
le céler, que vous commettriez cette suprême faute de vous enfermer
en tête à tête avec moi. L’événement a justifié mes prévisions et
bien m’en a pris d’avoir agi en conséquence. »
    – Ainsi, fit lentement d’Espinosa, vous aviez à peu près
tout prévu, tout deviné ? Cependant, les différentes épreuves
auxquelles vous avez été soumis étaient de nature à ébranler une
raison aussi solide que la vôtre : La « machine à
hacher » notamment, avec ses hachoirs, son soleil à
l’insoutenable éclat, cette succession de froid et de chaud, cet
air empuanti, tout cela n’a pas réussi à vous déprimer ?
    – J’avoue que cette invention de la machine à hacher, avec
les différents incidents qui l’agrémentent, est une assez hideuse
invention. Mais quoi ? Je savais que je ne devais pas mourir
encore, puisque je ne vous avais pas revu, et au surplus, tel
n’était pas votre but. Je pensai donc que les hachoirs, le chaud,
le froid, le soleil ardent, l’asphyxie, tout cela disparaîtrait
successivement en temps voulu. C’était un moment fort désagréable à
passer. Je me résignai à le supporter de mon mieux puisque, aussi
bien, il ne m’était pas possible de l’éviter.
    D’Espinosa le considéra, longuement sans mot dire, puis, avec un
long soupir :
    – Quel dommage, fit-il, qu’un homme tel que vous ne soit
pas à nous ! Que ne serions-nous en droit d’entreprendre, avec
succès, si vous étiez à nous ?
    Et voyant que Pardaillan se hérissait :
    – Rassurez-vous, reprit-il, je ne prétends pas essayer de
vous soudoyer. Ce serait vous faire injure. Je sais que les hommes
de votre trempe se dévouent à une cause qui leur paraît belle et
juste… mais ne se vendent pas.
    Et il demeura un moment songeur sous l’œil narquois de
Pardaillan, qui l’observait sans en avoir l’air et respectait sa
méditation. Enfin il redressa la tête, et regardant son adversaire
en face, sans trouble apparent, sans provocation, avec une aisance
admirable :
    – Et maintenant que je suis votre prisonnier – car je suis
votre prisonnier, insista-t-il – que comptez-vous faire ?
    – Mais, fit Pardaillan avec son air le plus naïf et comme
s’il disait la chose la plus naturelle du monde, je compte

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