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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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porterait.
La bête ne le lâcherait que lorsqu’il serait réduit, comme le
cheval, à l’état de bouillie sanglante.
    Et maintenant quelques toises à peine la séparaient de son
ennemi inerte…
    Déjà plus d’un et plus d’une fermaient les yeux pour ne pas voir
l’horrible massacre, les cris de terreur et d’effroi déchirèrent
l’air, la confusion et l’agitation stérile redoublaient à distance
respectueuse de la bête près d’atteindre son but.
    À ce moment un frémissement prodigieux, qui n’avait rien de
commun avec le frisson de la terreur qui la secouait jusque-là,
agita cette foule énervée par l’angoisse.
    Sur les gradins, aux fenêtres, aux balcons, des hommes se
dressaient, debout, hagards, congestionnés, cherchant à voir, à
voir malgré tout, sans s’occuper de gêner le voisin. Une immense
acclamation retentit dans les tribunes, gagna le populaire debout,
qui se bousculait pour mieux voir, se répercuta jusque sous les
arcades de la place et dans les rues adjacentes :
    – Noël ! Noël ! pour le brave gentilhomme.
    Dans la tribune royale le même frisson de curiosité et d’espoir
secoua tous les dignitaires qui oublièrent momentanément la sévère
étiquette pour se bousculer derrière le roi, s’approcher de la
rampe du balcon pour voir.
    Jusqu’au roi lui-même qui, déposant son flegme et son
impassibilité, se dressa tout droit, les deux mains crispées sur le
velours de la rampe de fer, se penchant hors du balcon, oubliant de
remarquer et de relever, comme il convenait, comme il n’eût pas
manqué de le faire en toute autre circonstance, le manquement à
l’étiquette de ses dignitaires, pour voir.
    Le grand inquisiteur lui-même s’oublia au point de s’accoter à
la rampe, tout comme le roi, pour voir.
    Seule, au milieu de la fièvre générale, Fausta demeura froide,
impassible, un énigmatique sourire se jouant sur ses lèvres, qui
tremblaient légèrement, seul indice de l’émotion qu’elle ressentait
intérieurement.
    Le populaire voulait voir. Les nobles, aux gradins et aux
fenêtres, voulaient voir. Le roi et le grand inquisiteur voulaient
voir. Tous, tous ils voulaient voir.
    Voir quoi ?
    Ceci :
    Un homme venait de bondir dans la piste et seul, à pied, sans
armure ayant à la main une longue dague, hardiment, posément, avec
un sang-froid qui tenait du prodige, venait se placer résolument
entre la bête et Barba-Roja.
    Et tout à coup, après le tumulte, le frémissement, l’acclamation
spontanée, un silence prodigieux plana sur l’assemblée
haletante.
    Le roi, sans paraître choqué de voir d’Espinosa à côté de lui,
lui dit à voix basse, avec un sourire livide :
    – Monsieur de Pardaillan !
    Il y avait dans la manière dont il prononça ces paroles de la
stupeur et aussi de la joie, ce qu’il traduisit en ajoutant
aussitôt :
    – Par le Dieu vivant ! cet homme est fou !
N’importe, je n’eusse jamais osé rêver une vengeance aussi complète
et il me donne là, gratuitement, une satisfaction que j’eusse payée
trop cher. Je crois, monsieur le grand inquisiteur, que nous voici
débarrassés du bravache sans que nous y soyons pour rien. J’en suis
fort aise, car ainsi mon bon cousin de Navarre ne pourra me
reprocher d’avoir manqué aux égards dus à son représentant.
    – Je le crois aussi, sire, répondit d’Espinosa avec son
calme accoutumé.
    – Vous croyez donc, sire, et vous, monsieur, que le sire de
Pardaillan va être mis à mal par ce fauve ? intervint
délibérément Fausta.
    – Par Dieu ! madame, ricana le roi, je ne donnerais
pas un maravédis de sa peau.
    Fausta secoua gravement la tête et, avec un accent prophétique
qui impressionna fortement le roi et d’Espinosa :
    – Je crois, moi, dit-elle, que le sire de Pardaillan va
tuer proprement cette brute.
    – Qui vous fait croire cela, madame ? fit vivement le
roi.
    – Je vous l’ai dit, sire : le chevalier de Pardaillan
est au-dessus du commun des mortels, même si ces mortels ont le
front ceint de la couronne. La mort qui frapperait inévitablement
tout autre, la mort même s’écarte devant lui. Non, sire, le
chevalier de Pardaillan ne périra pas encore dans cette rencontre,
et si vous voulez le frapper il faudra recourir au moyen que je
vous ai indiqué.
    Le roi regarda d’Espinosa et ne répondit pas, mais il demeura
tout songeur.
    D’Espinosa, plus sceptique que le roi, ne fut pas moins frappé
de l’accent de conviction

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