Les amours du Chico
ne songèrent pas à cela. Ou s’ils y songèrent, les
soldats ne comprirent pas et n’exécutèrent pas l’ordre. La décharge
fut générale sur toute la ligne. Et ce que la voix inconnue avait
prédit se réalisa : ayant déchargé leurs arquebuses, les
soldats durent recevoir le choc à l’arme blanche.
La partie devenait presque égale en ce sens que si les soldats
casqués et cuirassés de buffle ou d’acier offraient moins de prise
aux coups de leurs adversaires, ceux-ci avaient sur eux la
supériorité du nombre.
Et le corps à corps se produisit, opiniâtre et acharné de part
et d’autre.
Pendant ce temps, le Torero était entraîné par ses partisans,
entraîné malgré ses protestations, ses objurgations, ses menaces,
malgré sa défense désespérée.
Ils étaient cinquante qui l’avaient entouré et enlevé. En moins
d’une minute, ils furent cinq cents. De tous les côtés il en
surgissait.
C’est que, en effet, soustraire le roi Carlos – comme ils
disaient – aux vingt soldats chargés de l’appréhender n’était rien.
Il fallait passer sur le ventre des gentilshommes, qui ne
manqueraient pas de leur barrer la route.
Fausta éclairée par le duc de Castrana, qui connaissait
admirablement le champ de bataille sur lequel il devait évoluer,
Fausta avait minutieusement et merveilleusement organisé
l’enlèvement. Car c’était, en somme, un véritable enlèvement qui se
pratiquait là.
L’itinéraire à suivre était tracé d’avance. Il devait être, et
il était en effet, rigoureusement suivi.
Il s’agissait d’entraîner le Torero, non pas vers une sortie où
l’on se fût heurté à des troupes de gentilshommes et de soldats,
mais vers les coulisses de l’arène. Ces coulisses se trouvaient,
nous l’avons dit, dans l’enceinte même de la plaza, c’est-à-dire
sur la place même.
D’Espinoza, qui calculait tout, ne pouvait pas prévoir que le
Torero serait entraîné là, puisqu’il n’y avait pas de sortie.
Toutes les rues étaient barrées par ses soldats. Il avait donc
négligé d’occuper ces coulisses. C’était précisément sur quoi
comptait Fausta.
Ces coulisses, elle les avait occupées, elle. Partout des
groupes d’hommes à elle étaient postés. On se passa le Torero de
main en main jusqu’à ce qu’il fût amené devant une maison qui
appartenait à l’un des conjurés.
Malgré lui, on le porta dans cette maison, et sans savoir
comment, il se trouva dehors, dans une rue étroite, derrière des
troupes nombreuses qui gardaient cette rue, avec mission d’empêcher
de passer quiconque tenterait de sortir de la place.
Comme toujours en pareille circonstance, les soldats gardaient
scrupuleusement ce qui était devant eux et ne s’occupaient pas de
ce qui se passait sur leurs derrières.
L’obstacle franchi, de nouveaux postes appartenant à Fausta se
trouvaient échelonnés de distance en distance, dans des abris sûrs,
et le Torero, écumant, fut conduit ainsi en un clin d’œil hors de
la ville et enfermé, pour plus de sûreté, dans une chambre qui
prenait toutes les apparences d’une prison.
Pourquoi le Torero s’était-il efforcé d’échapper aux mains de
ceux qui le sauvaient ainsi malgré lui et malgré sa résistance
désespérée ?
C’est qu’il pensait à la Giralda.
Dans la prodigieuse aventure qui lui arrivait, il n’avait songé
qu’à elle. Tout le reste n’avait pour ainsi dire pas existé pour
lui. Et en se débattant entre les mains de ceux qui l’entraînaient,
dans son esprit exaspéré, cette clameur retentissait sans
cesse :
– Que va-t-elle devenir ? Dans l’effroyable bagarre
que je pressens, quel sort sera le sien ?
Ce qui était arrivé à la Giralda, nous allons le dire en peu de
mots :
Lorsque les troupes royales s’étaient massées devant la foule,
qu’elles tenaient sous la menace de leurs arquebuses, la Giralda,
au premier rang, se trouvait une des plus exposées, et, à moins
d’un hasard providentiel, elle devait infailliblement tomber à la
première décharge.
Très étonnée, mais non effrayée, parce qu’elle ne soupçonnait
pas la gravité des événements, elle s’était dressée instinctivement
en s’écriant :
– Que se passe-t-il donc ?
Un des galants cavaliers, qui l’avaient poussée à cette place
privilégiée, répondit, obéissant à des instructions
préalables :
– On veut arrêter le Torero. C’est une opération qui
rencontrera quelques
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