Les amours du Chico
se passait autour d’eux,
quatre cents hommes qui semblaient être placés là uniquement pour
lui et semblaient dire : « Tu ne passeras pas par
là. »
Et de fait, un boulet seul eût pu traverser les dix ou douze
rangs de profondeur qu’avait cette agglomération de forces
fantastique, si l’on songe qu’elle ne visait qu’un homme, seul,
armé seulement de son épée.
Devant lui, derrière lui, dans cette espèce de boyau qu’était le
couloir circulaire, c’était un grouillement fantastique d’hommes
d’armes.
Bien qu’ils fussent moins nombreux là que sur la piste, les
soldats paraissaient, au contraire, être en nombre plus
considérable. Cela tenait à ce que les troupes, manquant de front
pour se déployer, s’étendaient en profondeur.
Essayer de se frayer un chemin, à travers les vingt ou trente
rangs de profondeur, eût été une entreprise chimérique, au-dessus
des forces humaines, qui ne pouvait être tentée, même par un
Pardaillan.
Enfin, à sa droite où il eût pu, comme sur la piste, trouver
assez d’espace pour non pas tenter une défense impossible, mais
essayer de battre en retraite en se défilant parmi les tentes, les
barrières, mille objets hétéroclites qui eussent pu, à la rigueur,
faciliter cette retraite, de ce côté-là, on n’eût pas trouvé un
espace long d’une toise qui ne fût occupé. Et là, comme sur la
piste, comme dans le couloir, pas un homme isolé. Partout des
masses compactes.
Cet envahissement s’était effectué avec une rapidité
foudroyante. Ces troupes, longtemps et habilement dissimulées,
ayant des instructions claires, données d’avance, avaient manœuvré
avec un ordre et une précision parfaits.
En moins de temps qu’il ne nous en a fallu pour l’expliquer,
l’encernement était complet, et Pardaillan se trouvait pris au
centre de ce cercle de fer, composé de près d’un millier de
soldats.
Il avait fort bien observé le mouvement, et si Bussi-Leclerc ne
s’était placé d’un air provocant sur sa route, il est à présumer
qu’il ne se fût pas laissé acculer ainsi. Il eût tenté quelque coup
de folie, comme il en avait réussi quelques-uns dans sa vie
aventureuse, avant que la manœuvre fût achevée et que la retraite
lui eût été coupée.
Et c’était là une invention de Fausta qui s’était dit que le
meilleur moyen de l’immobiliser, de l’amener en quelque sorte à se
livrer lui-même, c’était de le placer dans la nécessité de choisir
entre se faire prendre ou paraître fuir.
Ah ! comme elle le connaissait bien ! Comme elle
savait que son choix serait vite fait ! C’est ce qu’il avait
fallu faire comprendre et accepter à Bussi-Leclerc qui, maintenant
que les prévisions de Fausta se réalisaient, ne regrettait plus
d’avoir eu à supporter les sarcasmes de celui qu’il haïssait.
Pardaillan, donc, dès l’instant où Bussi l’interpella, résolut
de lui tenir tête, quoi qu’il dût en résulter. Il ne se croyait
pas, nous l’avons dit, directement menacé. L’eût-il cru que sa
résolution n’eût pas varié.
Il pensait toujours que tous ces soldats étaient mis sur pied en
prévision des événements que l’arrestation du Torero devait faire
surgir. Mais comme, tout en invectivant Bussi-Leclerc, il
surveillait attentivement ce qui se passait autour de lui, il ne
fut pas longtemps à comprendre que c’était à lui qu’on en
voulait.
Jamais il ne s’était trouvé en une passe aussi critique, et en
se redressant, hérissé, flamboyant, terrible, il jugeait la
situation telle qu’elle était, avec ce sang-froid qui ne
l’abandonnait pas, malgré qu’il sentit le sang battre ses tempes à
coups redoublés, et il songeait :
– Allons, c’est ici la fin de tout ! C’est ici que je
vais laisser mes os ! Et c’est bien fait pour moi !
Qu’avais-je besoin de m’arrêter pour répondre à ce spadassin que
j’eusse toujours retrouvé ! Je pouvais encore gagner au large.
Mais non, il a fallu que la langue me démangeât. Puisse le diable
me l’arracher ! Me voici bien avancé maintenant. Il ne me
reste plus qu’à vendre ma vie le plus chèrement possible, car pour
me tirer de là, le diable lui-même ne m’en tirerait pas.
Pendant ce temps, l’orage éclatait du côté du populaire. Les
soldats, après avoir déchargé leurs arquebuses avaient reçu le choc
terrible du peuple exaspéré. La piste était envahie, le sang
coulait à torrents.
De part et
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