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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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prodiguer à une époque où tout se
faisait avec une outrance sans bornes.
    Comme il importait à la bonne exécution de la tâche qu’il
s’était donnée de garder tout son sang-froid, il s’était bien
promis d’écouter, sinon avec un calme réel, du moins avec une
indifférence apparente, toutes les aménités de ce genre dont il
plairait à son ennemi de le gratifier.
    Tout de même, il ne s’attendait pas à être touché aussi
profondément. Ce démon de Pardaillan, devant tous ces
gentilshommes, ces officiers, ces soldats espagnols, qui, sans
doute, riaient de lui sous cape, du premier coup le frappait
cruellement dans ce qu’il y avait de plus sensible en lui : sa
vanité de maître invincible, jusqu’à sa première rencontre avec
Pardaillan, sa réputation de brave des braves, consacrée par ce nom
de Bussi, généralement accepté, et qu’il avait fini par considérer
comme le sien.
    Fidèle à la promesse qu’il s’était faite à lui-même, il
accueillit les paroles du chevalier avec un sourire qu’il croyait
dédaigneux et qui n’était qu’une grimace. Il souriait, mais il
était livide. Son amour-propre saignait à vif, et il se
meurtrissait la poitrine de ses ongles pour s’obliger à garder une
apparence de calme et de dédain.
    Mais la colère grondait en lui et il attendait l’heure de la
revanche avec une impatience fiévreuse.
    Cependant l’apostrophe de Pardaillan appelait une réponse du tac
au tac, et Bussi, égaré par la rage, ne trouvait rien qui lui parût
assez violent. Il se contenta de grincer :
    – C’est moi, oui !
    – Jean Leclerc, reprit la voix impitoyable de Pardaillan,
la longue rapière qui vous bat les mollets est-elle aussi longue
que celle que vous avez jetée vous-même lorsque vous tentâtes de
m’assassiner ? Car c’est un fait étrange vraiment que lorsque,
par aventure, vous n’êtes pas désarmé par votre adversaire, vous
éprouvez le besoin de vous désarmer vous-même.
    Les bonnes résolutions de Bussi-Leclerc commençaient à chavirer
sous les sarcasmes dont l’accablait celui qu’il eût voulu
poignarder à l’instant même. Il tira la longue rapière dont on
venait de lui parler, et la faisant siffler il hurla, les yeux hors
de l’orbite :
    – Misérable fanfaron !
    Avec un suprême dédain, Pardaillan haussa les épaules et
continua :
    – Vous m’avez demandé, je crois, où je courais tout à
l’heure… Ma foi, Jean Leclerc, je conviens que si j’avais voulu
vous attraper, quand vous avez fui devant mon épée, il m’aurait
fallu, non pas courir, mais voler, plus rapide que le tourbillon.
Par Pilate ! quand vous fuyez, vous avez, tel le Mercure de la
mythologie, des ailes aux talons, mon maître. Et j’y songe
maintenant, vous vous croyez un maître et vous l’êtes en
effet : un maître fuyard. Jean Leclerc, vous êtes un maître
fuyard, un maître poltron.
    Tout ceci n’empêchait pas Pardaillan de surveiller du coin de
l’œil le mouvement de troupes qui se dessinait autour de lui.
    En effet, cependant que Bussi-Leclerc s’efforçait de faire bonne
contenance sous les douloureux coups d’épingle que lui prodiguait
Pardaillan, comme s’il n’était venu là que pour détourner son
attention en excitant sa verve, les soldats, eux, prenaient
position.
    Il en sortait de partout. C’était à se demander où ils s’étaient
terrés jusque-là. Et ici, nous sommes obligés de faire une
description sommaire des lieux.
    Pardaillan se trouvait dans le couloir circulaire, large de plus
d’une toise. Il avait à sa gauche la barrière qui avait été jetée
bas, en partie. Par-delà la barrière, c’était la piste. En face de
lui, c’était le couloir qui tournait sans fin autour de la
piste.
    – En allant par là, droit devant lui, il eût abouti à
l’endroit réservé au populaire. Derrière lui, c’était toujours le
même couloir, ayant en bordure des gradins occupés par les gens de
noblesse. Enfin à sa droite il y avait un large couloir aboutissant
à l’endroit où se dressaient les tentes des champions.
    Or, tandis qu’il accablait Bussi-Leclerc de ses sarcasmes, sur
la piste, à sa gauche, une deuxième, puis une troisième compagnie
étaient venues se joindre à la première et s’étaient placées là en
masses profondes…
    Environ quatre cents hommes se trouvaient là. Quatre cents
hommes qui, l’épée ou l’arquebuse à la main, attendaient
impassibles, sans s’occuper de ce qui

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