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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’avait fort bien
remarqué le chevalier.
    Lorsque la barrière tomba sous la poussée des hommes à la solde
de Fausta, Pardaillan, sans hâte inutile, puisque le danger ne lui
paraissait pas immédiat, se disposa à les suivre, tout en
surveillant l’ancien maître d’armes du coin de l’œil.
    Bussi-Leclerc, voyant que Pardaillan se disposait à entrer dans
la piste, fit rapidement quelques pas à sa rencontre, dans
l’intention manifeste de lui barrer la route.
    Il faut dire qu’il était suivi pas à pas par les soldats qui
semblaient se guider sur lui, comme s’il eût été réellement leur
chef.
    En toute autre circonstance et en présence de tout autre,
Pardaillan eût probablement continué son chemin sans hésitation,
d’autant plus que les forces qui se présentaient à lui étaient
assez considérables pour conseiller la prudence, même à
Pardaillan.
    Mais, en l’occurrence, il se trouvait en présence d’un homme qui
le haïssait de haine mortelle, bien que lui-même n’éprouvât aucun
sentiment semblable à son égard.
    Il se trouvait en présence d’un ennemi à qui il avait infligé
plusieurs défaites qu’il savait être très douloureuses pour
l’amour-propre du bretteur réputé.
    Dans sa logique toute spéciale, Pardaillan estimait que cet
ennemi avait, jusqu’à un certain point, le droit de chercher à
prendre sa revanche et que lui, Pardaillan, n’avait pas le droit de
lui refuser cette satisfaction.
    Or, cet ennemi paraissait vouloir user de son droit puisqu’il
lui criait d’un ton provocant :
    – Hé ! monsieur de Pardaillan, ne courez pas si fort.
J’ai deux mots à vous dire.
    Cela seul eût suffi à immobiliser le chevalier.
    Mais il y avait une autre considération qui avait à elle seule
plus d’importance encore que tout le reste : c’est que Bussi,
manifestement animé de mauvaises intentions, se présentait à la
tête d’une troupe d’une centaine de soldats. Se dérober dans de
telles conditions lui apparaissait comme une fuite honteuse, comme
une lâcheté – le mot était dans son esprit – dont il était
incapable.
    Ajoutons que, si bas que fût tombé Bussi-Leclerc dans l’esprit
de Pardaillan, à la suite de son attentat de l’avant-veille, il
avait la naïveté de le croire incapable d’une félonie.
    Toutes ces raisons réunies firent qu’au lieu de suivre les
défenseurs du Torero, comme il eût peut-être fait en un autre
moment, il s’immobilisa aussitôt, et glacial, hérissé, d’autant
plus furieux intérieurement que, du coin de l’œil, il remarquait
qu’une autre compagnie, surgie soudain du couloir, se rangeait en
ligne de bataille, de l’autre côté de la barrière, et sans se
soucier de ce qui se passait autour d’elle, sur la piste, semblait
n’avoir d’autre objectif que de le garder, lui, Pardaillan. Par
cette manœuvre imprévue, il se trouvait pris entre deux troupes
d’égale force.
    Pardaillan eut l’intuition instantanée qu’il était tombé dans un
traquenard d’où il ne lui semblait pas possible de se tirer, à
moins d’un miracle.
    Mais tout en se rendant compte de l’effroyable danger qu’il
courait, tout en s’invectivant copieusement, selon son habitude, et
en se traitant de fanfaron et de bravache, allant, dans sa fureur,
jusqu’à s’adresser lui-même ce nom de Don Quichotte que lui
prodiguait habituellement son ami M. de Cervantès, il se
fût fait tuer sur place plutôt que de paraître reculer devant la
provocation qu’il devinait imminente.
    À l’appel de Bussi-Leclerc, d’une voix éclatante qui domina le
tumulte déchaîné et fut entendue de tous, avec cette terrible
froideur qui chez lui dénotait une puissante émotion, il
répondit :
    – Eh ! mais… je ne me trompe pas ! C’est
M. Leclerc ! Leclerc qui se prétend un maître en fait
d’armes et qui est moins qu’un méchant prévôt… un écolier
médiocre ! Leclerc qui profite bravement de ce que Bussi
d’Amboise est mort pour lui voler son nom et le déshonorer en
l’accolant à celui de Leclerc. Outrecuidance qui lui vaudrait la
bastonnade, bien méritée, que ne manquerait pas de lui faire
infliger par ses laquais le vrai sire de Bussi, s’il était encore
de ce monde.
    En abordant Pardaillan dans des circonstances aussi anormales,
après sa tentative d’assassinat si récente et sa honteuse fuite,
Bussi-Leclerc s’attendait certes à être accueilli par une bordée
d’injures comme on savait les

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