Les Amours qui ont fait la France
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Il s’en fallut de peu que le complot ne réussît. Si un diacre, caché sous le maître-autel d’une église, n’avait pas surpris une conversation entre les amis de Pépin le Bossu, Charles ne serait jamais devenu empereur.
Tous les conjurés furent condamnés à mort, et Pépin, après avoir été fouetté et tondu, termina son existence dans un couvent.
L’alerte avait été chaude. Et sans doute Charles se fût-il à l’avenir méfié des conseils de Fastrade si celle-ci n’avait eu la bonne idée de mourir.
Charles, aussitôt débarrassé de cette mégère, chercha une compagne plus douce. Il trouva la fille d’un comte allemand, une nommée Liutgarde, qui lui parut réunir toutes les qualités qu’il avait aimées jadis chez Hildegarde. Elle était belle, généreuse, enjouée, studieuse. Il l’épousa.
À ce moment, Charles avait cinquante-neuf ans. Il était, dit-on, le plus bel homme de son royaume, et la charmante Liutgarde en fut très amoureuse. Il avait un regard brillant, portait une grande moustache (contrairement à la légende inventée par les poètes du XII e siècle, il ne porta jamais la barbe), et son corps était d’une souplesse extraordinaire. Il est vrai que chaque jour Charles plongeait dans sa piscine et faisait une demi-heure de brasse mérovingienne…
Liutgarde était fort jeune. Elle avait à peu près l’âge des filles de son mari ; aussi partageait-elle leurs jeux et leurs travaux. Charles, à son contact, retrouva une jeunesse nouvelle et l’optimisme nécessaire à l’accomplissement de grandes choses.
Heureux en amour, il fut heureux en politique et se dirigea sans le savoir, mais confiant en son étoile, vers la cérémonie qui devait avoir lieu à Rome le jour de Noël 800. Hélas ! la douce, la charmante Liutgarde ne devait pas assister à cet extraordinaire couronnement. Elle mourut, sans laisser d’enfant, le 4 juin 800, à Tours.
Et, par une triste fantaisie du destin, cet homme, qui ne pouvait pas vivre sans femmes et qui avait, en quelque sorte, été « fait » par elles, fut seul, sans épouse, au jour de sa plus grande gloire…
À partir de ce moment, Charlemagne, arrivé au faîte du pouvoir, n’eut plus jamais de femmes légitimes, mais seulement des concubines.
Il est difficile d’en tirer une morale…
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Les concubines de Charlemagne
L’empereur franc était assez porté sur le sexe.
Dr Leslie Taylor
Si Charles, qui adorait les femmes, décida de ne point se remarier après la mort de sa chère Liutgarde, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, pour mieux courir le jupon ; mais pour des raisons politiques.
Il rêvait alors d’avoir sous sa domination un territoire gigantesque allant de l’Atlantique au Bosphore et de l’embouchure de la Vistule aux Baléares, et il envisageait d’épouser l’impératrice Irène, qui régnait – de Constantinople – sur l’empire d’Orient.
Ce projet l’obligeait donc à rester libre de tous liens matrimoniaux.
Malheureusement, Charlemagne, qui voyait surtout dans cette affaire le moyen de coiffer la couronne impériale sans rien devoir au pape, n’eut pas le temps de mener à bien ces négociations politico-sentimentales.
Le souverain pontife lui joua un tour auquel il était bien loin de s’attendre et qui, d’après Éginhard, le rendit furieux.
Tout avait commencé en 799 : le pape, accusé pour lors d’infamie, avait été, le 25 avril de cette année-là, brutalisé au cours d’une procession. Des énergumènes s’étaient jetés sur lui et avaient même essayé de lui crever les yeux. Irrité, à juste titre, le pontife avait demandé l’aide et la protection de Charles.
Celui-ci était, à ce moment, dans sa capitale d’Aix-la-Chapelle. En apprenant ce qui était arrivé au pape, il fut sincèrement navré. Mais il lui sembla agir finement en refusant de se rendre à Rome.
« Venez à Aix, m’expliquer vos ennuis », écrivit-il à Léon III.
Le pape fut horriblement vexé en recevant ce mot qu’il trouva un peu cavalier.
Toutefois, comme il avait absolument besoin du concours de Charles, il fit préparer un chariot attelé de deux bœufs, s’y installa avec une grande dignité et partit en direction d’Aix-la-Chapelle. En plein hiver, et malgré son âge, il passa le Grand-Saint-Bernard. Deux mois plus tard, il arrivait à la cour carolingienne.
La réception qu’on lui fit fut grandiose et Charles l’embrassa avec
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