Les Amours qui ont fait la France
fantôme et que le trône pouvait être à celui qui aurait l’audace de le prendre, pourquoi Pépin, son cher amant, ne serait-il pas celui-là ?
Avant toute chose, elle se fit épouser pour que son fils, enfant de l’amour, devînt légitime. Ce mariage eut lieu en l’an 749 [28] . Dès le lendemain, elle poussa son mari à chasser le dernier Mérovingien et à devenir roi. Pépin le Bref, bien qu’assuré de réussir, se montra hésitant ; il craignait la réaction des grands. Sans doute ceux-ci n’obéissaient-ils plus au malheureux Childéric, mais ils pouvaient fort bien être hostiles à un usurpateur. Alors, Bertrade, astucieuse, lui suggéra le moyen d’obtenir l’appui du pape.
— Pose-lui cette simple question, dit-elle : convient-il d’appeler roi celui qui a la réalité ou celui qui a l’ apparence du pouvoir ?
Pépin obéit et, quelques mois plus tard, il recevait la réponse de Rome : « Celui-là est roi qui a la réalité des pouvoirs. » C’était clair. Aussitôt, il réunit les grands à Soissons et leur fit part de l’opinion du pape. L’affaire ne traîna pas. Dès qu’il eut fini de parler, il fut proclamé roi.
Le lendemain, Childéric III, sans même comprendre ce qui lui arrivait, était tondu et enfermé dans un couvent…
Bertrade, qui attendait ce moment avec impatience, fut fière d’avoir contribué à faire de Pépin, dont elle était toujours amoureuse, un roi puissant et respecté. Elle était aussi très heureuse d’être saluée du nom de reine ; mais son plus grand bonheur resta secret : il consistait à pouvoir penser que son fils était maintenant prince héritier du royaume franc…
Un an plus tard, en 752, Pépin et Bertrade étaient sacrés par saint Boniface. Cette cérémonie, que les Mérovingiens avaient ignorée, rehaussait le prestige du roi et de la reine et faisait d’eux de véritables représentants de Dieu.
En 753, le pape, qui était en difficulté avec les Lombards, vint jusqu’en Neustrie demander le secours du roi des Francs. Il profita de son séjour pour sacrer solennellement une seconde fois Pépin et Bertrade en la basilique de Saint-Denis, ce qui rendit jaloux tous les autres rois, de la mer du Nord jusqu’en Bulgarie.
À partir de ce moment, la reine, qui avait eu un second fils qu’on avait nommé Carloman, s’occupa plus activement encore des affaires de l’État et accompagna Pépin dans toutes ses expéditions militaires.
Lorsque celui-ci mourut, en 768, le royaume fut partagé, suivant la coutume, entre les deux héritiers. Mais à peine étaient-ils sacrés, Charles à Noyon et Carloman à Soissons, qu’ils commencèrent à se quereller, au point que Bertrade dut user de toute son influence pour que la guerre n’éclatât pas entre ses deux fils.
Carloman, depuis longtemps, jalousait Charles. Il le considérait comme un bâtard et prétendait être le seul héritier de Pépin le Bref. Aussi se jugeait-il frustré par le partage des terres. Poussé par le duc de Bavière et Didier, le roi des Lombards, il ne cessait de protester.
Bertrade, comprenant qu’il serait difficile d’empêcher longtemps les deux frères de se battre, eut une idée : retirer à Carloman son principal appui en faisant épouser à Charles la fille du roi des Lombards.
Elle partit pour Pavie afin de négocier cette union. Par la même occasion et pour mieux resserrer les liens entre la Lombardie et le royaume franc, elle organisa l’union de sa fille avec le fils de Didier.
Ce double projet, qui faisait de Charles l’allié des Lombards, effraya le pape. Il avisa Bertrade qu’il s’opposait au mariage, donnant pour prétexte que Charles avait déjà une épouse.
La reine mère passa outre, fit répudier sa première bru, Himiltrude, et ramena Désirée de Lombardie à Saint-Denis.
Charles ne sembla pas très excité par la perspective de passer ses nuits avec cette demoiselle dont le visage était ingrat et les formes plates. Pourtant, il obéit à sa mère et les noces eurent lieu le jour de Noël 770 avec beaucoup d’éclat.
Carloman, ayant perdu son principal allié, dut accepter les faits. Finalement il se réconcilia avec son frère et la paix régna de nouveau entre eux ainsi que Bertrade l’avait prévu.
C’était une grande victoire diplomatique, et pendant quelques années la finaude reine mère put contempler son œuvre avec une certaine satisfaction.
5
Les femmes de Charlemagne ont influencé sa
Weitere Kostenlose Bücher