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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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racontait également qu’un moine de Reichenau, nommé Wetin, avait eu une étrange vision : Charlemagne était enchaîné comme Prométhée, et un vautour lui dévorait incessamment les organes de la virilité.
    — Qu’as-tu donc fait pour mériter un tel supplice ? n’avait pu s’empêcher de dire Wetin.
    Alors un ange s’était écrié :
    — Joins donc au récit de ses grandes actions celui de ses honteuses débauches, et tu comprendras alors qu’il devait subir cette pénitence avant d’aller vers Dieu goûter l’éternelle béatitude…
    Quand Charlemagne mourut, le 28 janvier 814, ayant unifié pour un temps l’Europe occidentale, de nombreuses femmes le pleurèrent. Larmes chaudes de celles qu’il avait mises dans sa couche, et larmes amères des innombrables jeunes filles de bonne famille qui auraient tant voulu que l’empereur les violât avant de s’en aller dans l’autre monde…

7
    Parce que Louis a aimé Judith, la France est née
    Si le monde fait l’amour,
    C’est l’amour qui fait le monde.
     
    vieille chanson
     
    Il régnait à la cour d’Aix-la-Chapelle, en 815, une atmosphère de scandale. Les officiers de l’empereur, les fonctionnaires du palais, les femmes des grands ne pouvaient se rencontrer dans les couloirs ou dans les jardins sans se chuchoter à l’oreille des choses mystérieuses. Et l’on entendait des :
    — Ô Seigneur Dieu !
    Ou encore :
    — Cette fille est un démon et l’empereur est trop naïf !
    Car il s’agissait, naturellement, d’une aventure galante.
    Louis, qu’on nommera plus tard le Pieux ou le Débonnaire, et qui avait hérité de son père, Charlemagne, à la fois un empire trop grand pour lui et un titre trop lourd à porter, se conduisait, en effet, de curieuse manière.
    Alors que, l’année précédente, à la mort de Charles, on l’avait vu jouer les Pères-la-Vertu et chasser du palais des jeunes femmes qui trafiquaient de leurs charmes, le souverain venait de prendre une maîtresse parmi les chambrières.
    Celle-ci était une jeune israélite de seize ans qui s’appelait Judith et qui avait non seulement une incomparable beauté mais encore toutes les grâces de l’esprit. Elle était la fille du comte bavarois Welf.
    Louis, qui avait alors trente-six ans, l’avait remarquée et, bien qu’il fût marié avec la charmante Hermengarde, s’était donné la liberté de devenir son amant [33] .
    Le fait qu’un souverain prenne une maîtresse n’a jamais constitué un acte exceptionnel, et le IX e  siècle, à ce sujet, n’était pas plus sévère que ne le sera le XVIII e par exemple. Aussi personne n’eût pensé à se scandaliser de cette liaison si l’empereur Louis avait été le seul à bénéficier des charmes exquis de Judith. Or il avait un rival.
    Jusqu’alors, les jeunes femmes qui devenaient les maîtresses d’un roi étaient si heureuses de cette bonne fortune qu’elles rompaient avec leurs anciens amants. Judith, elle, avait conservé le sien.
    C’était un jeune homme attaché à la cour. Il se nommait Bernard et était le petit-cousin de l’empereur, puisque, par son père, le comte Guilhem, duc de Toulouse, il descendait de Charles Martel.
    Louis, qui, naturellement, ignorait tout de cette liaison, vivait dans une douce félicité, et son aveuglement peinait tout le monde.
    Trois ans plus tard, lorsque, le 3 octobre 818, l’impératrice Hermengarde mourut à Angers, Judith était toujours la maîtresse de Bernard et de Louis.
    — Vous verrez, chuchotaient les gens du palais, que la rusée parviendra à se faire épouser par l’empereur.
    Ils avaient raison. Au mois de février 819, on célébrait les noces de Louis et de Judith, et les poètes de la cour s’écriaient qu’elle surpassait en beauté toutes les reines qu’ils avaient pu voir, ce qui était vrai d’ailleurs [34] .
    Le mariage n’empêcha pas Judith de demeurer la maîtresse de Bernard, et, un jour, elle sentit « tressaillir dans son sein le fruit de ses amours coupables [35]  ».
    Très ennuyée, car elle avait de bonnes raisons pour être sûre que Louis n’était pour rien dans cette affaire, elle commença par éloigner Bernard, qui reçut, en guise de compensation, le duché de Septimanie. Après quoi, elle se montra tendre avec son benêt de mari, l’attira sur un lit et fit en sorte qu’il n’eût jamais aucun soupçon…
    Tout se passa bien. Et, en 820, elle mit au monde un gros garçon qui fut baptisé

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