Les Amours qui ont fait la France
« calomnies » dont elle avait été l’objet, elle jura sur son honneur et sur la foi chrétienne qu’elle n’avait jamais trompé son mari…
Ce serment, fait sans sourciller, stupéfia les gens de la cour.
— Il est vrai, disait-on, qu’elle n’est pas chrétienne…
Louis le Débonnaire, qui adorait Judith comme au premier jour de leur rencontre, fut si heureux de retrouver sa femme qu’il accepta de reconsidérer la question du partage de l’empire.
Judith lui apportait d’ailleurs une solution à laquelle il n’avait pas osé penser : partager le territoire en quatre parties, sans qu’aucun des fils eût droit au titre d’empereur. Ce qui mettait Charles sur un pied d’égalité avec ses frères.
En 831, ce partage était fait, et aussitôt les trois fils aînés de Louis le Débonnaire reprenaient la lutte contre Judith.
Encore une fois, elle fut prise, jetée au couvent, puis rétablie dans ses droits. Finalement, elle parvint, à force de ténacité, d’énergie, d’habileté et de ruse, à vaincre de façon définitive le parti des trois fils d’Hermengarde. Alors, elle travailla à la constitution du royaume dont elle rêvait pour son fils bien-aimé.
En 838, la mort de Pépin remit tout en question. Lothaire demanda l’exécution de l’ Ordinatio.
— Puisque nous ne sommes, de nouveau, que trois héritiers, dit-il, je prétends au titre d’empereur. Charles aura l’Aquitaine et Louis les territoires de Germanie.
Mais Judith ne voulait pas que son fils fût le vassal de Lothaire. Elle exigea de son mari une nouvelle répartition. Louis le Débonnaire divisa alors son empire en trois royaumes dont les frontières – et c’était là l’innovation – allaient du nord au sud.
La part de Charles fut constituée par le territoire situé à l’ouest d’une ligne reliant Anvers à Marseille et suivant approximativement la Meuse, la Saône, les Cévennes et le Rhône. Celle de Louis comprenait tous les États se trouvant à l’est du Rhin et des Alpes. Quant à Lothaire, il reçut, outre l’Italie, la région comprise entre ces deux royaumes ; c’est-à-dire une bande de territoire allant de la mer du Nord au duché de Bénévent.
Louis le Débonnaire mourut en 840. Judith, qui n’avait pas cessé d’être la maîtresse de Bernard, suivit son mari dans la tombe trois ans plus tard, le 19 avril 843, sans avoir vu l’achèvement de son œuvre. Le traité de Verdun, signé en août de la même année, accordait en effet à Charles, le fils de ses amours coupables, un royaume d’une conception toute neuve qui prenait le nom de Francie occidentale. (Voir les cartes ci-dessus.) La France était née !
Mais les histoires d’amour ont souvent une fin tragique. Un jour, Charles apprit qu’il n’était pas le fils de Louis le Débonnaire. Furieux, il fit poignarder Bernard [38] …
8
Robert le Pieux fut excommunié pour l’amour de Berthe
Nous sommes toujours les obligés des femmes :
bonnes, nous leur devons le bonheur ;
mauvaises, nous leur devons l’expérience.
Louis Depret
Sans un amour violent qui bouleversa toute sa vie, le roi Robert II, fils de Hugues Capet, aurait fort bien pu devenir un saint.
Il était très pieux, très doux, passait son temps en prières et avouait lui-même qu’il ne connaissait pas de distraction plus savoureuse que la récitation des litanies. Certains chroniqueurs assurent, en outre, que, lorsqu’il voulait se changer un peu les idées, il composait des chants d’église. C’est assez dire qu’il n’avait rien de particulièrement frivole.
Las ! Une femme allait changer tout cela et faire de cet austère moine couronné un amoureux capable des pires folies.
Cette femme, Berthe de Bourgogne, était mariée lorsque Robert la remarqua. Elle était l’épouse d’Eudes, comte de Chartres, et avait cinq enfants.
C’est à Orléans, croit-on, que le roi la vit pour la première fois. Devant la grâce souriante et majestueuse de Berthe, qui avait alors vingt-sept ans et se trouvait dans l’épanouissement de sa beauté, Robert sentit poindre en lui une tendance qui l’étonna.
Jusqu’alors, il n’avait pas réellement désiré une femme et, s’il avait dû, à dix-huit ans, épouser Rozala, la veuve d’Arnoul, cet acte lui avait été dicté par l’intérêt politique. D’ailleurs, Rozala avait trente-quatre ans de plus que lui et le jeune roi ne l’avait
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