Les Amours qui ont fait la France
Charles ; c’était le futur Charles le Chauve [36] .
Cette naissance fit grand plaisir à Louis, à Judith (et à Bernard), mais elle posa un problème politique. En effet, l’empereur, qui avait déjà trois fils de sa première femme : Lothaire, Pépin et Louis, avait réglé sa succession en 817. Voulant, sur le conseil de l’Église – et principalement de saint Benoît d’Aniane –, assurer l’indivisibilité de l’empire, il avait promulgué l’acte fameux appelé Ordinatio imperii, en vertu duquel aucun partage n’était possible.
Par cet acte, il était prévu qu’à la mort de Louis, Lothaire, son fils aîné, devait lui succéder comme empereur.
Quant aux deux cadets (Louis et Pépin), le Débonnaire leur léguait à l’un l’Aquitaine, à l’autre la Bavière.
Générosité dangereuse, certes, mais point contraire à l’esprit de l’ Ordinatio , puisque ces deux États étaient considérés comme des provinces dont Pépin et Louis ne devaient être que les administrateurs sous l’étroite dépendance de Lothaire.
L’arrivée du petit Charles détruisait tout ce bel édifice politique, un peu prématurément construit. Aucune législation n’admet, en effet, qu’une donation faite par un père puisse porter préjudice à un fils à naître. Il était donc juste que l’empereur assurât sa part d’héritage à Charles.
C’est d’ailleurs ce que Judith, à peine relevée de couches, démontra à son mari. Comme celui-ci hésitait à refaire l’acte successoral de 817, elle lui suggéra de ne rien changer au partage, mais de rogner sur les territoires qui revenaient à Pépin et à Louis, et de former un troisième État dont Charles serait un jour le roi. Cette solution, on s’en doute, ne faisait pas du tout l’affaire des deux frères cadets, et Judith comprit qu’elle devait craindre leur réaction. Pour y parer, elle eut une idée fort astucieuse : elle demanda à Lothaire d’être le parrain de son fils. Celui-ci ne vit pas que ce choix était un piège qui le séparait de ses deux frères et, sur la demande de Judith, s’engagea même par serment à défendre le petit Charles contre tous ses ennemis.
Judith, qui n’avait qu’un but : donner une couronne de roi au fils de Bernard, pouvait être fière, elle avait bien mené ses affaires.
Mais il y avait à la cour un homme qui savait beaucoup de choses sur les amours de l’impératrice. C’était Wala, l’ancien conseiller de Charlemagne. Il avait épousé la demi-sœur de Bernard et haïssait celui-ci pour des raisons familiales. Wala se rendit auprès de Lothaire et lui révéla que Charles n’était pas le fils de Louis le Débonnaire et que, par conséquent, il n’avait aucun droit à l’héritage impérial.
Lothaire, comprenant la manœuvre de Judith et se jugeant trompé, estima qu’il était délié de son serment.
Quelques semaines plus tard, un parti s’organisait contre Louis le Débonnaire et Judith. Il était dirigé par Wala, Lothaire et ses deux frères, qui avaient été, bien entendu, mis au courant de l’origine de Charles.
Immédiatement, l’impératrice fit disgracier Wala et créa un parti destiné à défendre les intérêts de son fils. Pour diriger ce mouvement, elle appela Bernard, qui se réinstalla à Aix-la-Chapelle… et redevint son amant.
Ce retour fit jaser, naturellement : surtout lorsqu’on apprit que Judith avait poussé l’audace et l’ironie jusqu’à faire nommer Bernard chambrier de l’empereur [37] .
Ce qui était pour le moins paradoxal !
Bientôt, les événements se précipitèrent.
En 829, Louis le Débonnaire annonça à l’assemblée de Worms sa décision de constituer un royaume en faveur de Charles. Aussitôt, les trois frères, poussés par Wala, déclenchèrent une violente campagne contre Judith et l’accusèrent clairement d’être la maîtresse de Bernard.
Louis, qui avait toute confiance en la fidélité de son épouse, tint ces accusations pour des calomnies et continua à dormir tranquille.
Mais seul.
Finalement, le groupe de Lothaire parvint à provoquer un soulèvement de l’armée et à s’emparer de Judith. L’ambitieuse impératrice fut jetée dans un couvent, tandis que l’empereur, tombé, lui aussi, à la merci de ses trois fils, devait s’engager à respecter l’ Ordinatio de 817.
Un an plus tard, Louis, ayant réussi à retourner la situation, fit revenir Judith à Aix. Pour se laver de toutes les
Weitere Kostenlose Bücher