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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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qu’on crut, sur le moment, que la nef allait s’ouvrir. Une grande panique s’ensuivit.
    Les nourrices coururent demander à la reine ce qu’il fallait faire des enfants royaux qui dormaient.
    — Ne faut-il pas les éveiller et les lever ? dirent-elles en pleurant.
    Marguerite, fort émue, eut une très belle réponse.
    —  Non, dit-elle, vous ne les éveillerez ni ne les lèverez, mais les laisserez aller à Dieu dormant [81] .
    Fort heureusement, l’avarie fut moins grave qu’on ne le craignait, et le bateau put continuer sa route.
    Trois mois plus tard, après de nombreuses émotions, les croisés arrivèrent en vue des côtes de France. Louis IX et Marguerite, qui avaient quitté leur pays depuis six ans, se mirent à pleurer, et la reine demanda que le débarquement eût lieu tout de suite.
    — J’avais prévu de revenir par Aigues-Mortes, dit le roi.
    — Je vous en prie, messire, dit Marguerite, je n’en peux plus.
    Les bateaux se trouvaient alors devant Hyères. Louis IX donna des ordres et, pour plaire à la reine, le débarquement eut lieu dans ce port.
    Après quoi, la caravane prit le chemin de Paris. Tout au long de la route, le menu peuple se pressait pour acclamer son roi qui lui revenait pâle, fatigué et amaigri. Mais bientôt les braves gens constataient qu’il avait conservé la croix (ce qui indiquait son intention de retourner un jour en Terre Sainte), et ils en étaient profondément peinés.
     
    Aussitôt arrivé à Paris, Louis IX décida de quitter le Louvre où il n’avait que de mauvais souvenirs, et de transporter la cour au château de Vincennes qui lui semblait plus riant.
    Pendant quelque temps, Marguerite vécut heureuse, choyée par son mari et entourée de ses enfants… Un jour, pourtant, ce bonheur faillit être brisé de curieuse façon : le roi vint trouver la reine, l’air grave, et lui annonça qu’il avait conçu la pensée de laisser le trône à son fils aîné et d’embrasser l’état religieux. Marguerite fut atterrée. Elle appela les petits princes et leur dit :
    — Mes fils, voici que les moines ont persuadé au sire roi, votre père, qu’il ferait chose agréable à Dieu en quittant la couronne et en se faisant moine ; or lequel voulez-vous être appelé, fils de roi ou fils de moine ?
    D’une seule voix, les princes répondirent qu’ils préféraient être appelés fils de roi. Après quoi, ils s’agenouillèrent devant leur père et le supplièrent de renoncer à prendre l’habit ecclésiastique. Marguerite elle-même se traîna à ses pieds. Bref, ils firent, les uns après les autres, tant et si bien que Louis IX renonça à son projet.
    Et de nouveau la joie régna à Vincennes.
    Mais Marguerite craignait que Louis ne repartît pour la Terre Sainte, et elle s’inquiétait.
    « Il faudrait, pensait-elle, qu’une tâche importante le retînt en France. »
    Cette tâche, Saint Louis allait bientôt la trouver, grâce à la reine, à qui il arriva une curieuse aventure alors qu’elle entendait la messe.
    À cette époque, lorsque le prêtre avait prononcé, à l’issue de l’office, ces paroles : « Que la paix du Seigneur soit avec vous », l’usage voulait que chaque fidèle se penchât vers son voisin de droite et lui donnât un baiser.
    Or la reine Marguerite ayant reçu ce baiser de paix le rendit à une fille publique dont l’habillement était celui d’une femme de condition honnête.
    Informée de sa méprise après la cérémonie, la reine fut vivement offensée, et elle alla demander au roi de rédiger, sur-le-champ, une ordonnance défendant aux coureuses d’aiguillettes de porter « des robes à queues, à collets renversés et une ceinture dorée ». Lorsque Louis IX eut édicté cette ordonnance, Marguerite lui demanda d’étudier le problème de la prostitution à Paris et de supprimer les lieux de débauche.
    Les « filles amoureuses » pullulaient alors dans les rues de la capitale et vivaient dans un état de prospérité inouï dont tous les chroniqueurs nous parlent avec une grande tristesse. Elles formaient, d’ailleurs, une corporation sous la juridiction du roi des Ribauds et se rendaient en groupe, une fois par mois, à la chapelle de la rue de la Jussienne (qui s’appelait alors rue de la Gippecienne – corruption de l’Égyptienne), paroisse attitrée des femmes publiques depuis sa fondation au XII e  siècle. Elles y faisaient brûler des cierges devant un curieux vitrail

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