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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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les femmes de France voudront, dès demain, connaissant votre sacrifice, mener une existence aussi austère que la vôtre, et le pays tout entier fera des économies.
    — Si c’est là votre but, dit la reine, alors, messire, faites une loi ; car je connais les femmes, elles imiteront peut-être mon luxe, mais jamais mes restrictions. Or je ne veux pas être seule à me vêtir pauvrement. Si je suis touchée par la mauvaiseté de vos finances, que tout le royaume soit frappé avec moi.
    Puis, ayant dit, elle rentra dans ses appartements.
    Docile, Philippe le Bel, quelques jours plus tard, promulgua sa fameuse loi somptuaire, destinée à régler le train de vie de chaque sujet, du haut prélat au « manœuvre léger »…
    Cette loi indiquait la quantité de mets que l’on pouvait servir sur les tables, le nombre de robes auxquelles on avait droit par an, et le prix qu’on pouvait y mettre selon son état, sa naissance et ses facultés.
    Elle défendait par exemple de servir au souper (qui était alors le grand repas) plus de deux mets et un potage au lard ; au dîner (qu’on nommait petit repas ou petit manger), un mets et un entremets. En outre, il était prescrit qu’on ne devait servir qu’une seule espèce de viande dans un plat ou une seule espèce de poisson.
    Le deuxième article de cette loi précisait que les ducs, les comtes et les barons, qui avaient six mille livres de terres, ne pouvaient s’offrir plus de quatre robes par an (il en était de même pour leurs femmes) ; que les prélats et les chevaliers n’avaient droit qu’à deux robes, et que les dames ou demoiselles qui avaient deux mille livres de terres ne pouvaient en acheter qu’une – à moins qu’elles ne fussent châtelaines.
    Le troisième article indiquait que nul prélat ou baron ne pouvait mettre plus de vingt-cinq sols tournois à l’aune de Paris pour sa robe. Et, si les femmes des barons avaient droit à trente sols, le châtelain ne devait pas dépasser dix-huit sols à l’aune ; l’écuyer, fils de baron, quinze ; l’écuyer qui se vêtait de pourpre, dix ; le clerc en dignité ou fils de comte, seize ; le chanoine d’église-cathédrale, quinze ; les femmes de bourgeois, seize (à condition toutefois que leurs maris aient la valeur de deux mille livres tournois de bien) ; quant aux autres, ils n’avaient droit qu’à douze sols au plus.
    L’article 4 défendait aux bourgeois « d’avoir des chars, de se faire accompagner, la nuit, avec des torches de cire et de porter du petit-gris, de l’hermine, du menu-vair, de l’or et des pierres précieuses ».
    Cette loi interdisait donc toute fantaisie vestimentaire, ce qui ravit la reine Jeanne.
    — Ainsi, dit-elle en riant, tout le monde sera vêtu semblablement.
    On l’aura peut-être remarqué, aucun article de la loi somptuaire ne concernait, les chaussures. C’est donc dans ce domaine que les sujets du roi Philippe cherchèrent à se singulariser. Un soulier étrange, inventé par un sieur Poulain, eut bientôt la faveur du public. On l’appela pouline ou poulaine. Il s’agissait d’une chaussure qui finissait en pointe plus ou moins longue suivant la qualité des personnes qui la portaient ; car, sous l’influence de la loi somptuaire, il s’était établi tout naturellement une hiérarchie du costume que tout le monde respectait. Ainsi, la poulaine était de deux pieds de long pour les princes et les grands seigneurs, d’un pied pour les riches, et d’un demi-pied pour les gens du commun [89] .
    Cette chaussure, que l’on ornait de cornes, de griffes ou de figures grotesques, finit par attirer l’attention des évêques, qui fulminèrent contre elle sans succès. Certains faillirent même en déclarer l’usage hérétique.
    Mais des sujets plus graves allaient bientôt occuper l’Église.
     
    Si elle se mêlait parfois des affaires du royaume de France la reine Jeanne n’acceptait pas que Philippe le Bel s’immisçât dans celles du comté de Champagne qu’elle gérait personnellement avec sa mère. Elle le prouva en s’occupant seule d’une affaire assez curieuse qui fit quelque bruit et se termina bien mal.
    La reine douairière de Navarre ayant soupçonné son trésorier, le chanoine Jean de Calais, d’avoir détourné des fonds, celui-ci prit la fuite et se réfugia en Italie, près de la cour romaine.
    Jeanne, furieuse, accusa sans grande preuve, semble-t-il, Guichard, homme de mauvaise réputation, bien qu’évêque

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