Les Amours qui ont fait la France
« qu’il eût à ne rien croire de ce que l’on voulait insinuer contre sa femme ; qu’elle était bonne et fidèle, et qu’elle l’aimait de tout son cœur, lui et les siens ».
Cette réponse tranquillisa le roi.
— Maintenant que vous êtes sûr de mon innocence, dit Marie, je vous demande la tête de celui qui voudrait me faire perdre votre amour.
Quelques jours plus tard, Pierre de La Broce était condamné à être pendu. Il fut exécuté le 30 juin 1278, au gibet de Montfaucon, devant une foule considérable. Avant de lui mettre la corde au cou, le bourreau lui demanda s’il voulait parler.
— Je n’ai rien à dire, répondit l’ex-chambellan, très calme.
Alors, le bourreau retira l’échelle et le laissa aller dans le vide.
En apprenant sa mort, la reine eut un sourire. Mais sa joie disparut curieusement lorsqu’elle sut que tout Paris refusait de croire à la culpabilité de Pierre de La Broce.
— On a pendu un innocent, murmurait-on. D’ailleurs, sur quelles preuves l’a-t-on condamné ? Il n’y en avait aucune !
Certains allaient jusqu’à parler d’un crime politique, et l’opinion en fut remuée pendant quelque temps.
— Mais alors, disaient les bonnes gens, si le favori du roi est innocent, qui donc a empoisonné le prince Louis ?
C’est une question que les historiens se posent depuis sept cents ans…
16
À la tour de Nesle, la reine Jeanne recevait des étudiants
Elle avait plus d’un sac dans sa tour…
G. B.
Un matin de 1273, sur le balcon du château de Pampelune, un homme et une femme s’amusaient, par manière de délassement, à un jeu curieux. Ils se lançaient et « se renvoyaient en les bras de l’un et de l’autre », nous dit un chroniqueur, un bébé complètement nu.
Ils le rattrapaient au vol comme un ballon et prenaient grand plaisir à ce divertissement. Soudain, l’un des joueurs commit une maladresse. Ayant eu une distraction, il laissa passer l’enfant, qui continua sa trajectoire, franchit le balcon et alla s’écraser dix mètres plus bas sur le sol.
… Thibaud, héritier du royaume de Navarre, venait de mourir à l’âge de quinze mois, par la faute d’un gouverneur et d’une nourrice stupides.
Cet événement allait déterminer le destin d’une petite fille née quelques semaines auparavant, à Bar-sur-Seine [86] .
En effet, lorsqu’il fut informé de l’accident qui le privait de son fils, le roi Henri de Navarre appela ses barons et leur dit :
— Le prince Thibaud est mort. Je vous demande de considérer désormais sa sœur, la princesse Jeanne, qui est âgée de deux mois, comme la future reine de Navarre.
Puis il ajouta :
— Je ne suis pas en bonne santé ; si je mourais, je veux que ma succession ne fasse l’objet d’aucune discussion.
À quelque temps de là, le roi Henri eut une entrevue à Bouloc, près de Bayonne, avec Édouard I er d’Angleterre. Au cours de leurs entretiens, les deux souverains s’entendirent si bien qu’avant de se quitter ils décidèrent de marier leurs enfants.
C’est ainsi que la future reine de Navarre, qui vagissait dans son berceau à Provins, devint, sans le savoir, la fiancée d’un prince d’Angleterre.
Ces fiançailles ne furent d’ailleurs pas de longue durée, car le prince, qui était âgé de six mois, les rompit en mourant subitement, et la princesse Jeanne recouvra sa liberté.
Quelques mois plus tard, Henri de Navarre étant mort d’un excédent d’embonpoint, la reine Blanche, sa femme, qui craignait que les rois de Castille et d’Aragon ne voulussent s’emparer de son royaume, entreprit des négociations dans le but de transformer l’un de ses adversaires en allié. Elle se rendit auprès du roi Pierre d’Aragon.
— Que me proposez-vous en échange de mon aide ? lui demanda celui-ci.
— Je vous donne ma fille. Elle fera une épouse parfaite pour votre fils aîné.
Pierre d’Aragon, ravi à la pensée que son fils, qui avait pour l’heure dix mois, serait un jour roi d’Aragon et de Navarre, accepta.
Et Jeanne put, de nouveau, dormir tranquille en suçant son pouce. Elle avait un fiancé !
Rendus furieux par cette manœuvre diplomatique, les Castillans déclarèrent aussitôt la guerre aux Aragonais, et de sanglants combats eurent lieu. Or les gens de Castille montrèrent dans ces batailles une telle ardeur guerrière que la reine Blanche prit peur et demanda l’aide du roi de France, Philippe III, son
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