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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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s’était mis à pleurer.
    Et, en ce 12 septembre 1360, tandis que les braves gens de Dinan acclamaient le jeune couple, c’est encore des larmes qu’il versait en souriant à la foule, des larmes de joie, à la pensée qu’il allait vivre dorénavant avec quelqu’un qui l’aimait.
     
    La douceur de l’amour fut une telle révélation pour Bertrand du Guesclin qu’après son mariage il n’eut plus aucune envie d’aller se battre. Il demeurait des journées entières auprès de sa femme, tout à la joie de découvrir et de déguster les mille délices de la tendresse. Sa violence et son humeur belliqueuse, nées de son amertume, avaient fait place à une charmante indulgence venue avec la joie d’être aimé.
    Il faisait de calmes projets, rêvait d’une existence tranquille dans une maison confortable. Tant et si bien qu’un jour Tiphaine s’inquiéta et lui demanda quand il devait retourner à la guerre.
    Du Guesclin eut un geste vague.
    — Boh !… fit-il.
    Alors Tiphaine sursauta et, très courroucée, lui dit :
    — Sire, par vous de beaux faits ont été commencés, et par vous seul la France doit recouvrer les provinces qu’elle a perdues. Or je vois que, pour mon amour, vous êtes prêt à perdre l’honneur. Cela, sire, ne peut exister, et, d’ailleurs, je ne pourrais l’endurer, car je me verrais abaissée par vous qui, précisément, devez m’honorer. Sachez bien que, si vous ne poursuivez la guerre, aucune femme au monde ne pourra vous donner son amour. Moi, je ne suis que pauvre dame, mais mon cœur ne pourra jamais consentir à ce que j’eusse de l’amour pour vous si, par faiblesse, vous vous refusez à la vaillance [101] .
    Alors, Bertrand du Guesclin, un peu honteux de ces reproches et désespéré de quitter sa femme, partit se mettre à la disposition du dauphin Charles qui avait, pour l’heure, fort à faire avec les troupes de Charles le Mauvais, roi de Navarre et allié des Anglais.
    Or, à quelque temps de là, Jean II le Bon mourut en Angleterre, et le dauphin monta sur le trône sous le nom de Charles V.
    Sachant que le sacre du nouveau roi devait avoir lieu le 19 mai 1364, les Navarrais, qui étaient alors cantonnés à Évreux, décidèrent d’empêcher la cérémonie et même d’enlever le roi pendant son voyage de Paris à Reims.
    Commandés par le captal Jean de Grailly, ils se dirigèrent vers l’Eure, qu’ils franchirent au pont de Cocherel, et dressèrent leur camp sur la colline. Tandis qu’ils se reposaient, le captal courut à Vernon pour y saluer sa fiancée, Jeanne de Navarre. « Et, nous dit un chroniqueur, au départir, il baisa madame Jeanne, car le roi de Navarre lui avait accordé qu’il l’aurait pour femme. Moult plut ce baiser au captal, car madame Jeanne était une des plus belles dames de la chrétienté. »
    Ainsi mis en verve, Jean de Grailly rejoignit ses compagnons juste au moment où les Français, commandés par du Guesclin, arrivaient en vue de Cocherel.
    Aussitôt, la bataille commença. Bataille étrange où deux hommes, deux chefs, étaient animés par l’amour.
    Finalement, après deux jours de furieux combats, du Guesclin triompha, ramenant, pour la première fois depuis trente ans, la victoire du côté des Français. Ce fut son premier grand fait d’armes, celui qui décida de sa prodigieuse carrière.
    Le surlendemain, Charles V, le cœur illuminé par cette victoire, se faisait sacrer sans incident à Reims ; mais on peut se demander ce qui se serait passé si Tiphaine n’avait pas poussé du Guesclin à reprendre les armes en lui disant que c’était là le « seul moyen de garder son cœur »…
    Sans doute tout le cours de notre histoire s’en fût-il trouvé changé.
     
    Le nouveau roi de France ne pouvait, bien entendu, supposer qu’il devait sa couronne à une femme. Ayant fait porter des remerciements à du Guesclin, il prit le chemin de la capitale avec son épouse, Jeanne de Bourbon.
    Le 24 mai, ils entraient tous deux triomphalement à Paris. La jeune reine montait un splendide cheval dont Philippe le Hardi, frère du roi et duc de Bourgogne, tenait la bride. Le soir, un dîner de gala réunit au palais tous les prélats de passage à Paris, et la capitale se transforma pendant deux jours en une immense kermesse.
    La reine fut comblée de louanges et de cadeaux, ce dont le roi fut heureux, car il aimait tendrement sa femme, bien qu’il eût commencé à la tromper au lendemain de leurs noces.

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