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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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Ce mariage, il est vrai, avait été célébré alors que Jeanne n’était pas encore nubile. Elle avait à peine douze ans. Charles qui, lui, venait d’en avoir treize, avait trouvé le lit conjugal un peu fade et s’était mis en quête de maîtresses expérimentées. À quinze ans, il était devenu l’amant d’une dame de la cour qui l’avait déniaisé avec raffinement. Doué d’un tempérament plutôt généreux, il avait ensuite « beluté », comme on disait alors, toutes les femmes qui couchaient au palais, depuis les cuisinières jusqu’aux épouses des conseillers du trône.
    Il ne s’était d’ailleurs jamais caché de ses bonnes fortunes et, en 1363, alors qu’il était l’amant d’une Italienne nommée Biette Cassinel, il portait les armes parlantes : «  K + Cygne + Ailes », rébus qui constituait un à-peu-près de Cassinel [102] .
    Cette vie de débauche était maintenant terminée. En montant sur le trône, Charles V avait chassé ses maîtresses ainsi que tous ceux qui s’étaient rendus complices de ses frasques. Il avait décidé de remplir de façon irréprochable son rôle d’époux et son rôle de roi.
    En se rapprochant de Jeanne de Bourbon, Charles V s’était d’ailleurs aperçu qu’elle avait du charme et de l’esprit. Bientôt il l’amena à son gouvernement et la fit assister régulièrement à son Conseil où elle eut sa place marquée. De même, lorsque le Parlement se réunissait, elle venait s’asseoir aux côtés du roi qui lui demandait son avis sur les questions épineuses, et il l’appelait « sa belle lumière et le soleil de son royaume ».
    Charles, après quatorze ans de mariage, découvrait sa femme. Transporté de joie, il ne pensait qu’à lui faire des cadeaux et la couvrait de pierreries.
    — Quel beau jour, disait-il, que celui où l’on nous a mariés !
    Hélas ! si ce mariage faisait maintenant le bonheur du roi, il allait être désastreux pour la France. En effet, Charles V et Jeanne de Bourbon étaient cousins. Il y avait fort longtemps que l’Église ne respectait plus les sages lois qu’elle avait édictées autrefois, touchant la consanguinité, et qu’elle accordait facilement des dispenses pour les mariages entre parents.
    Ces graves erreurs étaient en train d’épuiser la Maison de Valois. Déjà, Charles, comte de Valois, qui était à l’origine de cette lignée, avait fait, en épousant sa cousine Marguerite de Sicile, un mariage triplement consanguin (par les familles de France, de Provence et de Hongrie) qui avait fait porter aux enfants issus de cette union le poids de six consanguinités . Or, au lieu d’agir de façon un peu plus sage, l’un d’entre eux, Philippe VI de Valois, n’écouta que son amour et épousa sa cousine…
    « Il eût été nécessaire, dit le Dr Brachet [103] ,pour corriger son excès de consanguinité, que Philippe VI s’attachât par un mariage étranger à infuser à la race des Valois un sang nouveau qui pût neutraliser l’influence héréditaire morbide.
    « C’est tout juste le contraire que fait ce premier roi valois ; au lieu de sortir de la consanguinité de Saint Louis (déjà double chez lui), il y rentre une fois de plus en épousant sa propre tante à la mode de Bretagne, petite-fille du saint roi. »
    Et, pour clore dignement la série, Charles V, petit-fils de Philippe VI, avait épousé Jeanne de Bourbon, qui descendait comme lui de Philippe II, de Hugues IV de Bourgogne et de Henri V de Luxembourg. C’est-à-dire que leur mariage était plus de six fois consanguin et risquait de provoquer des tares dangereuses chez leurs héritiers.
    Dans leur ignorance des lois de l’hérédité, le roi et la reine désiraient bien entendu des enfants. Après trois essais malheureux, Jeanne mit au monde, en 1368, un garçon. Ses précédents accouchements ayant été difficiles, elle s’était fait attacher à la cuisse une aétite, cette pierre à laquelle les Anciens attribuaient des propriétés antiabortives et anticonvulsives, et tout s’était bien passé !
    — Quelle joie ! messire Charles, dit-elle au roi qui n’avait pas quitté son chevet. Nous avons un héritier. Comment l’appellerons-nous ?
    — Charles ! dit le roi. Et, si messire Dieu lui prête vie et s’il règne, on le nommera Charles VI !…
    C’est ainsi que, d’une suite de dangereux mariages consanguins provoqués par l’amour aveugle, naquit un roi de France qui devait

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