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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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bonhomme de neige. Il ne
voyait maintenant pas plus qu’à trois pieds devant lui tant la neige s’était
intensifiée. En jurant, le jeune homme détela ses bêtes et les entraîna vers l’écurie,
où il les bouchonna et leur donna à manger avant de retourner à l’extérieur. Après
avoir rangé sa hache, il rentra à la maison, plié en deux pour résister au vent.
Il déchargerait son bois quand la neige aurait cessé de tomber.
    Dès qu’il eut refermé la porte de la maison, il comprit qu’il ne devait
rester que quelques tisons dans son poêle tant il faisait froid dans la cuisine.
Il enleva ses bottes, mais garda son manteau pour aller rallumer le feu. Il
faisait maintenant si sombre dans la pièce qu’il dut allumer la lampe à huile.
    Même à la lueur
chiche de cette lampe, il était évident que la maison aurait eu besoin d’un
solide nettoyage. De la vaisselle sale et de la nourriture traînaient sur la
table et dans l’évier. Le plancher aurait eu besoin d’être balayé et lavé. Une
bonne couche de poussière couvrait les meubles. Des vêtements grisâtres avaient
été mis à sécher près du poêle. Ce n’était guère mieux dans l’unique chambre à
coucher du rez-de-chaussée, où le lit défait laissait voir que la literie n’avait
pas été changée depuis des semaines. À l’étage, impossible de connaître l’état
des lieux puisque Germain n’y était pas monté depuis le décès de sa mère, au
mois d’août précédent.
    Le célibataire
alla puiser un broc d’eau dans la chaudière déposée près du comptoir. Une mince
pellicule de glace s’était déjà formée sur l’eau. Pendant que les flammes
ronflaient enfin dans le poêle et répandaient un peu de chaleur, Germain mit l’eau
à bouillir. Ensuite, il se dirigea vers l’une des deux fenêtres de la cuisine
pour évaluer l’ampleur de la tempête qui se déchaînait à l’extérieur.
    Dehors, cela
ressemblait à un spectacle de fin du monde. Le vent gémissait et semblait prêt
à soulever la toiture de la maison. Un véritable rideau opaque de flocons
empêchait de voir la route. Impossible même d’apercevoir le traîneau chargé de
bois abandonné quelques instants plus tôt devant la remise. Toute vie semblait
avoir fui aux alentours. Germain eut l’impression d’être sur une île inhabitée
au milieu d’un désert blanc.
    – Calvaire !
Il fallait que ça arrive aujourd’hui ! jura-t-il à mi-voix en abandonnant
la fenêtre pour préparer sa tasse de thé.
    Depuis une semaine,
il ne songeait qu’au samedi soir et à la visite qu’il allait rendre à Gabrielle,
au village. Il avait déjà oublié Céline Veilleux et l’humiliation cuisante qu’elle
lui avait fait vivre. Seule la jeune orpheline occupait maintenant ses pensées
depuis une dizaine de jours. Elle n’était plus l’« autre servante »
du curé, mais « Gabrielle », la « belle Gabrielle ».
    Les deux heures qu’il
avait passées en tête-à-tête avec elle dans le salon d’Agathe Cournoyer, le dimanche
précédent, lui avaient fait découvrir une jeune fille sensible et pleine de bon
sens. Elle avait surtout déclenché chez lui un goût irrépressible de la
protéger après qu’elle lui eut raconté la vie solitaire et sans amour qu’elle
avait connue à l’orphelinat. Après l’avoir entendue
décrire les durs travaux auxquels elle avait été astreinte dans l’institution, il
s’était rendu compte qu’il avait été passablement gâté. Lui, habituellement si
taciturne, s’était laissé aller à parler de son passé. Il lui avait raconté le
décès de ses deux frères aînés, morts avant d’avoir atteint cinq ans, le départ
pour Montréal de sa sœur Florence, la mort de son père de la grippe espagnole
et enfin, le décès de sa mère au mois d’août précédent. Bien sûr, il ne dit pas
un mot du rejet dont il avait été l’objet de la part de Céline Veilleux ni du
mépris que les filles de la paroisse lui vouaient.
    – Il
est encore pas mal de bonne heure, finit par se dire Germain. Le temps peut encore
changer. Ça va peut-être se calmer sur l’heure du souper.
    Mais
le temps ne changea pas. La tempête continua à faire rage tout l’après-midi. Lorsqu’il
se décida à sortir de la maison sur le coup de seize heures pour aller traire
ses vaches et nourrir ses animaux, le jeune cultivateur dut marcher dans près
de deux pieds de neige pour se rendre à l’étable. Après son travail,

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