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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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le visage de Thérèse blêmit.
    – Je veux que
la porte de la remise soit barrée à partir d’aujourd’hui, avait-elle exigé de
son mari. Nous vois-tu sans viande pendant tout le reste de l’hiver ?
    – Je
comprends, mais ce sera pas ben pratique de courir la clé d’un cadenas chaque
fois qu’on va avoir affaire dans la remise, avait argumenté le cultivateur.
    Après
le déjeuner, il était allé jeter quelques bûches dans le poêle à bois avant de
s’asseoir dans sa chaise berçante et d’allumer sa pipe. Il était demeuré
silencieux durant un long moment avant de demander à Clément :
    – Va
donc voir dans l’atelier si tu trouverais pas un cadenas et ce qu’il faut pour
l’installer.
    Quand
son fils revint quelques minutes plus tard avec un vieux cadenas et le matériel
nécessaire à son installation, son père prit le tout et l’envoya nettoyer l’étable
avec son frère Gérald. Un étrange sourire flottait sur ses lèvres lorsqu’il se
dirigea vers la remise en passant par la cuisine d’été où il prit au passage sa
demi-bouteille de caribou. Ensuite, il profita du fait que sa femme et ses
filles étaient montées à l’étage dans l’intention de faire le ménage pour s’emparer
de la bouteille d’huile de ricin dissimulée dans l’armoire. Ce produit au goût
détestable était souverain pour combattre la plus obstinée des constipations.
    Il vida la moitié
de la bouteille d’huile de ricin dans le caribou et il acheva de remplir le
contenant avec un peu d’eau. Après avoir brassé énergiquement le tout, il
renifla le contenu de sa bouteille. La forte odeur du mélange de vin et d’alcool
masquait parfaitement celle de l’huile. Alors, il boucha la bouteille et alla
la déposer sur la tablette de la remise, en prenant soin de rapporter dans la
cuisine d’été les deux bouteilles intactes.
    – Mon baptême !
jura-t-il, si tu reviens me voler ma boisson, tu vas t’en souvenir. On va te
suivre à la trace, c’est moi qui te le dis.
    Ensuite,
content de lui, Eugène Tremblay s’activa à installer un cadenas sur le coffre
dans lequel était entreposée la viande. Quand Thérèse le vit rentrer dans la
cuisine quelques minutes plus tard, elle lui demanda :
    – As-tu
installé quelque chose pour barrer la porte de la remise ?
    – Non. Ce
serait pas pratique pantoute. J’ai posé un cadenas sur le coffre à viande. Pour
le reste, on n’aura qu’à penser à barrer la porte de la cuisine d’été quand on
aura affaire à aller dans la remise.
    – Et pour ta
boisson ?
    – Inquiète-toi
pas, j’ai réglé le problème, se contenta de dire Eugène avec un bon gros rire.
    – Qu’est-ce
que t’as fait ?
    – J’ai
préparé un petit boire que notre voleur sera pas prêt d’oublier si jamais il
lui prend le goût de venir se servir sans être invité.
    – Pas
du poison, j’espère, fit sa femme, alarmée.
    – Ben non, la
mère ! J’ai pris le reste de ma bouteille de caribou entamée et je l’ai
remplie avec de l’huile de ricin. Je pense que celui qui va boire ça est mieux
de pas trop s’éloigner de ses toilettes parce que j’ai l’impression que ça va
lui faire un maudit bon lavement.
    Au
milieu du samedi avant-midi, le ciel déjà gris devint subitement noir et le vent
du nord se leva progressivement, hurlant dans les branches des pins et des sapins.
    La
luminosité changea en quelques minutes. Tout devint très sombre.
    Surpris,
Germain Fournier, occupé à charger sur son traîneau du bois bûché la veille
dans le boisé au bout de sa terre, leva les yeux. À la vue de
ce ciel couleur d’encre, il ne put se retenir de se dire à haute voix :
    – On
dirait qu’il va nous en tomber toute une sur la tête dans pas longtemps. Je pense
que je suis mieux de me grouiller pour rentrer.
    Le jeune
cultivateur finit de charger son traîneau et il fouetta ses chevaux pour les
faire avancer. Les deux bêtes se mirent en branle lentement, tirant derrière
elles la lourde charge. Dès sa sortie du bois, Germain fut accueilli par les
premiers flocons que le vent poussait comme des dards, au point de l’aveugler
complètement. Il rentra la tête dans
les épaules et, les yeux mi-clos, il entreprit de regagner sa maison dont il
avait peine à apercevoir la toiture au loin.
    Lorsque l’attelage
arriva quelques minutes plus tard devant la remise, les chevaux étaient fourbus
et Germain Fournier s’était transformé en véritable

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