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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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C’est gênant.
    – Ça se mange
tout seul, reprit Bruno Pierri. Ah ! Attendez. Ma femme vous a aussi
envoyé la recette pour les préparer, ajouta le voisin en fouillant dans l’une
des poches de son manteau d’où il tira un bout de papier. Vous avez de la
tomate, j’espère ?
    – En masse, répondit
Eugène. Les femmes en ont canné cet automne.
    – Et du vin ?
    – Il nous
reste pas mal de vin de cerise, intervint Claire, qui avait soulevé un coin du
linge qui recouvrait le plat envoyé par Maria Pierri.
    – C’est bien
meilleur avec du vrai vin, fit l’homme en esquissant une moue. Mais ici, au
Canada, vous avez pas l’air d’aimer ça.
    – C’est vrai
qu’on est pas bien forts sur le vin, reconnut Eugène en boutonnant son manteau.
Bon. On va y aller si on veut faire un bon après-midi d’ouvrage.
    Les
hommes sortirent de la maison. Dès qu’ils furent partis, Claire s’empara de la
recette rédigée par la voisine et la relut à deux ou trois reprises avant de
déclarer à sa mère :
    – Je vois pas
pourquoi ce serait pas bon, cette affaire-là, m’man. On a juste à ajouter des
tomates, des oignons et des piments.
    – Ah bon !
fit Thérèse sans manifester aucun enthousiasme. Au fond, c’est vrai que c’est
pas parce que ça vient d’un autre pays que c’est nécessairement méchant.
    – C’ est ce que je me disais, conclut la jeune femme.
On devrait préparer ça pour le souper. Je pense qu’il y en a bien assez pour
tout le monde.
    – C’est
correct, accepta sa mère.
    À la fin de l’après-midi, lorsque Eugène
rentra à la maison avec ses fils après avoir fait le train, toute la famille
Tremblay prit place autour de la grande table. Après le benedicite, Claire et
sa mère déposèrent sur la table deux plats fumants. Le père de famille tendit le
cou pour voir ce qu’ils contenaient.
    – C’est quoi,
cette affaire-là ? demanda-t-il, intrigué, à son aînée.
    – Si je me
fie à ce que madame Pierri a écrit sur son papier, c’est des spaghettis, dit
Claire avec bonne humeur.
    – Et ça se
mange, cette affaire-là ? demanda son frère Gérald.
    – Essaye, tu
vas bien voir, lui suggéra sa mère.
    – Ça a l’air
drôle, fit remarquer Clément en cherchant à en déposer une quantité appréciable
dans son assiette sans que les pâtes tombent à côté.
    – Sois pas
cochon, lui reprocha son frère cadet. Essaye d’en laisser aux autres.
    – Facile à
dire, ronchonna Clément, mais c’est tout pogné ensemble.
    Chacun finit par se servir et on mastiqua prudemment la première
bouchée de ce plat exotique.
    –  Bah ! C’est
pas méchant, reconnut Eugène, la figure crispée parce qu’il tentait vainement
de piquer des pâtes dans son assiette. Mais je marcherais pas un mille pour en
manger.
    – C’est vrai,
reconnut Clément. Je trouve que ça a un drôle de goût quand même. En plus, c’est
salissant en maudit à manger et c’est pas facile à pogner dans son assiette. Je
me demande si ce serait pas plus facile avec une cuillère.
    – En tout cas,
moi, ajouta Lionel, j’aime mieux le bouilli de m’man.
    – Vous êtes
tous des difficiles ! s’exclama Claire qui avait préparé les pâtes en
suivant soigneusement la recette de la voisine. Il faut que vous mangiez
toujours la même chose pour être contents ! C’est bon, des spaghettis, affirma-t-elle
avec force. C’est juste différent.
    – Faut pas
exagérer non plus. C’est pas parce que ça vient d’un autre pays que c’est
meilleur que ce qu’on mange d’habitude, laissa tomber son père. Il y a pas de
viande là-dedans, ça doit pas être trop soutenant.
    – Moi, je
vais manger du sirop d’érable pour dessert, dit Gérald en se levant pour aller
chercher le pot dans le garde-manger. Ça va m’ôter ce goût-là dans la bouche.
    – En tout cas,
je veux pas en entendre un dire un mot contre les pâtes de madame Pierri quand
son mari va nous demander si on a aimé ça, dit Thérèse sur un ton menaçant. On
a tous bien aimé ça, un point c’est tout.
    Deux
jours plus tard, Eugène Tremblay était soucieux. Depuis le déjeuner, il avait
perdu de sa placidité. Les deux rides profondes qui barraient son front le disaient
assez.
    Après avoir fait
le train avec Clément, Gérald et Lionel, le cultivateur avait lentement repris
le chemin de la maison dans l’intention d’avaler un solide déjeuner. Clément s’était
chargé d’aller porter sur la

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