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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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l’avant-midi. Après tout, ils étaient voisins et il n’y
avait que quelques arpents entre les deux maisons.
    Avec son père et
ses deux frères, il avait travaillé une bonne partie de l’après-midi à
repousser la neige qui encombrait la cour et l’entrée des bât iments. À l’heure du souper, tout ce
labeur semblait avoir été effectué vainement puisque les violentes bourrasques
de vent s’étaient amusées à ramener toute la neige.
    Après le train, Eugène
Tremblay, dégoûté, avait décrété :
    – Bon. Ça va
faire pour le pelletage aujourd’hui. On va attendre que le vent se calme et on
nettoiera demain matin, après le train.
    Clément
n’avait pas dit un seul mot. Après le repas, il s’était esquivé durant quelques
minutes dans sa chambre à coucher, à l’étage. Quand il en était descendu, il
était endimanché et il avait fait un effort pour discipliner ses cheveux bruns
naturellement bouclés.
    – T’es en
avance, mon frère, lui fit remarquer Claire, qui venait de s’emparer de son
tricot. La messe, c’est juste demain matin.
    – Tu te
maries pas à soir, j’espère, se moqua à son tour sa sœur Aline, qui ne venait à
la maison que les fins de semaine.
    Le
jeune homme ignora les deux boutades avec un souverain mépris. Si son père fit
comme s’il n’avait rien entendu, sa mère, en revanche, leva la tête de la courtepointe
qu’elle venait d’étaler sur la table de cuisine.
    – Où est-ce
que tu t’en vas, habillé comme ça ? lui demanda-t-elle.
    –  À côté, m’man.
    – Chez les
Veilleux ?
    – Ben oui. Vous
devriez commencer à le savoir, c’est déjà la quatrième fois que je vais veiller
avec Céline.
    – Tu déranges
pas trop son père et sa mère, j’espère ? demanda Thérèse en jetant un coup
d’œil à son mari qui feignait l’indifférence.
    – Pourquoi je
les dérangerais, m’man ? C’est pas eux autres que je vais voir, c’est leur
fille. Son père a accepté que j’aille la voir le samedi et le dimanche soir, c’ est ce que je fais.
    – Tu vas
avoir de la misère à aller là, lui fît remarquer son frère Gérald.
    – Les
raquettes, c’est pas pour les chiens, tu sauras, dit Clément en endossant son
manteau.
    Quelques minutes plus tard, le jeune homme de vingt ans frappait à la
porte des Veilleux après avoir laissé sa paire de raquettes sur le balcon
enneigé. Ernest, l’air revêche, vint lui ouvrir.
    –  Entre, dit-il
sans aménité au visiteur. Elle descend dans une minute.
    Le cultivateur le
laissa planté là, sur le paillasson, et, sans plus s’occuper du fils de son
ennemi, retourna à sa chaise berçante et à sa pipe. Yvette revint à ce
moment-là de la cuisine d’été où elle était allée porter des conserves. Elle
jeta un regard désapprobateur à son mari avant d’inviter Clément à retirer son
manteau et à passer au salon.
    – Céline !
cria-t-elle, debout au pied de l’escalier. Clément est arrivé.
    – J’arrive, répondit
la jeune fille.
    Yvette attendit de
voir apparaître sa fille dans l’escalier avant de se retirer dans la cuisine. Elle
savait pourquoi Ernest était si grognon ce soir-là. Il détestait rester planté
sur sa chaise berçante toute une soirée pour surveiller les fréquentations qui
se déroulaient dans le salon. On lui aurait dit que c’était l’endroit où il
passait habituellement ses soirées, il aurait répondu que c’était une autre
paire de manches de se sentir obligé.
    Quand Yvette lui
avait proposé de lui laisser faire le chaperon à sa place, il avait sèchement refusé
en alléguant qu’avec sa manie d’avoir toujours quelque chose à faire, elle
était incapable de remplir son rôle convenablement. On ne pouvait avoir les
yeux fixés sur un tricot ou une courtepointe et surveiller sa fille et, surtout,
un maudit Tremblay.
    Pourtant, c’est
elle qui intercepta sa fille lorsque cette dernière vint dans la cuisine pour
prendre le plateau de sucre à la crème dont elle voulait régaler son amoureux.
    – Viens donc
ici, toi, lui ordonna sa mère.
    – Qu’est-ce
qu’il y a, m’man ?
    – Qu’est-ce
que t’as sur les lèvres ?
    – Rien.
    – Je t’ai
demandé ce que t’avais sur les lèvres, répéta Yvette Veilleux plus durement.
    – C’est juste
du rouge à lèvres.
    – Qu’est-ce
que je t’ai déjà dit, Céline Veilleux ? Je t’ai dit cent fois que ça donnait
un air de dévergondée et que je voulais pas

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