Les années folles
pression de la main sur un bras et
elle lui fit signe de la suivre. Eugène obéit sans comprendre la raison qui
poussait sa femme à l’entraîner à l’écart.
– Bonjour, mademoiselle
Tremblay, dit l’ingénieur en soulevant son chapeau devant Claire, qu’il venait
de rejoindre.
– Bonjour, monsieur
Gendron.
– Je voulais
vous dire que ma mère a bien aimé la courtepointe que je vous ai achetée.
– Tant mieux,
déclara Claire avec un sourire chaleureux.
– Puis-je
vous dire sans vous offenser que votre robe est vraiment très belle.
– Merci. Je
viens de finir de la coudre.
– Mon Dieu !
Mais vous avez toutes les qualités et tous les talents ! s’exclama le
jeune homme en riant.
– Oh non !
J’ai des défauts, mais je les cache pour pas faire peur aux gens, badina Claire.
La
jeune femme jeta un regard autour d’elle et elle repéra son père et sa mère qui
semblaient l’attendre, sagement assis dans le boghei.
– Vous m’excuserez,
monsieur Gendron, reprit-elle en laissant tout de même percer une pointe de
regret dans sa voix, mais mes parents m’attendent pour rentrer.
– Bien sûr, mademoiselle.
Hubert
Gendron fit quelques pas sur le parvis en sa compagnie avant de se décider à
lui demander, d’une voix un peu hésitante :
– Est-ce
que vous me trouveriez bien mal élevé si je vous demandais de faire une petite
promenade avec moi dans le rang Sainte-Marie, cet après-midi ? Il fait tellement
beau que ce serait presque un péché de rester enfermés à l’intérieur.
Claire
Tremblay sembla hésiter un moment avant de répondre :
– Je sais pas
si on va avoir de la visite cet après-midi à la maison, mais si on a personne, on
pourrait bien marcher un peu sur la route… évidemment avec une de mes sœurs, prit-elle
le soin de préciser.
– Ça
me ferait vraiment plaisir, dit l’ingénieur avant de saluer de loin les parents
de la jeune femme.
Eugène
attendit que le boghei se soit engagé dans le rang Sainte-Marie avant de demander
à sa fille :
– Tu connais
l’ingénieur ?
– Non, p’ pa. M’man et moi, on lui a parlé la
semaine passée quand il est venu acheter une courtepointe pour sa mère.
– Tiens !
Première nouvelle.
– J’ai oublié
de te le dire, Eugène, s’excusa sa femme. Hubert Gendron reste chez Bruno
Pierri depuis deux semaines. Il paraît qu’il va rester là tant que le pont sera
pas construit.
– Qu’est-ce
qu’il te voulait ? demanda Eugène à sa fille.
– Il m’a
demandé si je voulais marcher dans le rang avec lui cet après-midi.
– J’espère qu’il
s’imagine pas que tu vas y aller toute seule ? demanda sa mère, sévère.
– Bien non, m’man.
Je lui ai dit qu’une de mes sœurs viendrait marcher avec nous autres.
Cet
après-midi-là, Hubert Gendron et Claire Tremblay se rendirent jusqu’à la source
d’Anatole Desjardins, au bout du rang Sainte-Marie. Les deux jeunes gens
déambulèrent près de deux heures dans le rang et ils auraient continué plus longtemps
si Aline, incommodée par la chaleur, n’avait pas menacé de les planter là.
Chapitre 26
Les foins
Au
moment où ils s’apprêtaient à couper le foin déjà haut, voilà que la nature empêchait
les fermiers de Saint-Jacques-de-la-Rive d’aller travailler. Le mois d’août
débuta par trois journées de fortes pluies et il fallut attendre deux bonnes
journées supplémentaires pour laisser le temps au fourrage de sécher.
– Il faut
regarder le bon côté des choses, dit Eugène à son fils Clément qui commençait à
manifester des signes d’impatience devant ce retard. D’abord, toute cette pluie-là
va faire baisser un peu la température et on en sera que mieux pour faucher. Ensuite,
elle fait du bien en maudit à l’orge et à l’avoine qui en avaient ben besoin. Ça
faisait au moins dix jours qu’il était pas tombé une goutte d’eau.
– C’est
vrai, p’ pa, reconnut le jeune homme, mais on
pourrait ben commencer à faucher après le dîner. Après tout, il mouille plus
depuis hier soir.
– Ça sert à
rien de se presser, fit son père. Si on se dépêche trop de faucher, le foin
sera pas assez sec et demain, il faudra aller retourner tout ce qu’on aura
coupé pour que ça sèche. Non, non. Demain, ce sera ben assez vite.
Chez
les Veilleux, Ernest était d’excellente humeur malgré le retard occasionné par
les intempéries. La veille, son fils Albert était arrivé de
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