Les années folles
Clément, deux, ça va aller plus
vite pour vendre notre stock.
Le
trajet fut un peu plus long que celui de la veille, mais la clientèle était
autrement plus nombreuse que celle Pierreville. Maintenant, la saison des
fraises terminée, passait à la cueillette des framboises. Même si la récolte s’annonçait
très bonne, les Tremblay ne prévoyaient pas avoir à en vendre. Ils n’en
auraient que pour leur propre consommation.
Le second mercredi
de juillet, un peu après le souper, Claire Tremblay était agenouillée devant un
parterre fleuri de bégonias et d’impatientes plantés devant la maison. La jeune
femme, le visage bien protégé par un chapeau de paille à large bord, était occupée
à désherber quand elle perçut des pas sur la route, derrière elle.
– Excusez-moi,
madame, fit une voix masculine qui la légèrement sursauter.
La
jeune femme tourna la tête et aperçut un homme debout sur le bord de la route, soulevant
poliment son chapeau. Elle se leva tout en secouant son large tablier pour en
chasser la poussière et les herbes qui y adhéraient.
– Mademoiselle,
corrigea automatiquement la célibataire en faisant un pas en direction de l’inconnu.
Vous cherchez quelque chose ?
Elle reconnut immédiatement le jeune ingénieur qui était venu expliquer
le projet de pont dont on avait commencé la construction à la sortie du village.
– Oui, mademoiselle.
Je cherche la maison des Tremblay.
– C’est
ici.
– Je demeure
chez monsieur Pierri, un de vos voisins et…
La
porte-moustiquaire s’ouvrit pour livrer passage à Thérèse.
– Vous êtes
pas l’ingénieur qui s’occupe du pont ? demanda-t-elle en s’avançant vers
le grand jeune homme à la fine moustache et aux yeux d’un bleu profond.
– En plein ça,
madame. Hubert Gendron, se présenta le visiteur en la saluant de la tête.
– Je savais
pas que Bruno Pierri avait un pensionnaire, s’étonna Thérèse.
– Oui, depuis
une semaine, madame. Je demeure à Drummondville et c’est vraiment trop loin
pour faire cette distance-là matin et soir.
– Je
comprends.
– Madame
Pierri m’a dit que vous faisiez de bien belles courtepointes et qu’il vous
arrivait parfois d’en vendre. Je me demandais si je ne pourrais pas venir en
voir. C’est l’anniversaire de ma mère la semaine prochaine et j’aimerais lui en
donner une en cadeau.
– Je
les fais avec ma fille Claire, dit Thérèse en désignant la jeune femme debout
près de lui. Malheureusement, nos plus belles, on les a vendues à la fin du printemps,
mais il nous en reste deux ou trois. Si vous voulez entrer les voir…
– Avec
plaisir, madame.
Hubert
Gendron, le chapeau à la main, suivit les deux femmes à l’intérieur.
– Mes
deux plus jeunes sont partis se baigner au village, à la petite plage, là où
vous avez dit que vous alliez construire le pont, expliqua Thérèse en pénétrant
dans la cuisine d’été. Je suppose que les enfants pourront plus faire ça
bientôt.
– Je ne pense
pas que le pont va les empêcher de se baigner, madame Tremblay. Le lit de la
rivière ne sera pas plus profond pour tout ça.
– Tant mieux.
Claire, va donc chercher les courtepointes sur la première tablette de la
lingerie, dit Thérèse en se tournant vers sa fille.
La
jeune femme, consciente du regard insistant de l’ingénieur, quitta la pièce quelques
instants pour y revenir en portant trois courtepointes qu’elle étala avec soin,
l’une après l’autre, sur la table de cuisine. Aline, de retour de chez Rita
Hamel où elle avait gardé les enfants, l’aida.
– Elles sont
vraiment très belles, fit Gendron, admiratif. C’est difficile d’en choisir une
plus qu’une autre.
– Vous
pourriez demander à votre femme de venir vous aider à choisir, avança Claire, curieuse.
– Je ne suis
pas marié, mademoiselle. Vous avez sûrement du goût pour avoir fait de si
belles courtepointes. Est-ce que vous accepteriez de m’aider à en choisir une ?
– Je connais
pas les goûts de votre mère, s’excusa Claire, tout de même flattée. Est-ce qu’elle
a une couleur préférée ?
– Je ne pense
pas. Tout ce que je sais, c’est qu’elle aime les couleurs douces.
– Dans ce
cas-là, elle aimerait peut-être celle-là, fit la jeune femme en découvrant un
coin de la première courtepointe qui avait été étalée sur la table. Elle va
peut-être aimer ses teintes rose et bleu ciel.
– Parfait. En
tout cas,
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