Les années folles
faut que tu sues pour
faire sortir le méchant.
Ce
disant, la mère saisit deux épaisses couvertures de laine grise qu’elle avait
déposées sur l’unique chaise de la pièce et elle les étendit sur son fils.
– Dors, c’est
le meilleur remède, lui recommanda-t-elle. Moi, je descends aider les filles à
finir de préparer le déjeuner.
Thérèse
Tremblay descendit dans la cuisine bien réchauffée par le poêle à bois allumé
près d’une heure plus tôt . Claire et la petite Jeannine finissaient
de dresser le couvert pendant qu’Aline était allée nourrir les poules au poulailler.
– Est-ce
qu’il va survivre ? demanda Claire en réprimant mal un sourire.
– Tu connais
ton frère. Il est comme tous les hommes.
– Il est pas
habitué à être malade. Il s’imagine qu’il va mourir À cause d’une
petite grippe. Mais ça fait rien : il faut toujours prendre une grippe au
sérieux. Si on fait rien, elle peut tomber sur les bronches ou sur les poumons.
Quand je l’ai entendu tousser en me levant, je le savais déjà qu’il avait une
bonne grippe. J’espère juste qu’il l’a pas donnée à Gérald, vu qu’il couche
dans sa chambre.
Après le départ de Lionel et de Jeannine pour l’école du rang, Eugène
resta planté un long moment devant l’une des deux fenêtres de la cuisine à
scruter une flaque d’eau .
– On
dirait que tu sais pas quoi faire de ta peau, lui fit remarquer sa femme en
finissant de laver la vaisselle avec ses filles.
– Ben, je le
sais pas trop. Je regarde le chemin et je me demande si c’est une ben bonne
idée d’aller porter mon grain au moulin d e La Visitation cet avant-midi. La route il l’air pas mal défoncée avec toute cette
pluie-là. Le problème c’est que j’ai dit à Pelletier que je lui apporterais mon
grain aujourd’hui quand je l’ai rencontré samedi passé à Pierreville. Si j’y
vais pas aujourd’hui, il risque de me faire attendre un bon bout de temps.
– Si tu y vas,
j’espère que t’as pas dans l’idée d’amener Gérald avec toi, fit Thérèse en s’arrêtant
brusquement devant son mari. J’ai besoin de lui pour apporter tous les matelas
de la maison dans la cuisine d’été et pour me charrier de la paille. C’est le
temps de rembourrer les matelas. Je vais profiter de ce qu’Aline a congé de
couvent pour arranger aussi les oreillers en ajoutant des plumes dans ceux qui
sont trop mous.
Eugène Tremblay
demeura un instant à réfléchir avant de dire :
– Au fond, j’ai
pas besoin de lui pour aller porter le grain. Il va juste m’aider à charger la
voiture. Là-bas, je trouverai ben quelqu’un pour me donner un coup de main pour
décharger.
– Vas-tu
revenir pour dîner ?
– Je le sais
pas. Ça dépend si Pelletier a d’autres clients à passer avant moi.
– Je vais te
beurrer un peu de pain et te donner un morceau de fromage au cas où tu pourrais
pas revenir à temps, fit sa femme en se dirigeant vers la huche à pain.
Moins
d’une heure plus tard, Thérèse vit son mari s’engager sur la route. Derrière
lui, dans la voiture, il y avait une vingtaine de poches de grain que Gérald l’avait
aidé à charger. La pluie semblait s’être momentanément arrêtée, mais le ciel
demeurait plombé et annonciateur d’autres averses.
Quand Gérald
rentra dans la maison, sa mère lui demanda d’apporter quelques brouettées de
paille dans la remise avant de descendre les trois matelas des chambres de l’étage
et de les déposer dans la cuisine d’été.
– Et le nôtre ?
demanda l’adolescent en parlant du matelas qu’il partageait avec son frère
Clément.
– On le fera
en dernier, après le dîner, quand Clément ira un peu mieux. Occupe-toi pas de
celui de ma chambre. Anne et Claire sont capables de le transporter.
Cet
avant-midi-là, la cuisine d’été fut le théâtre d’une activité intense. Les
trois femmes décousirent partiellement l’enveloppe de chaque matelas et elles
étalèrent la paille que chacun contenait en passant la main à l’intérieur. Ensuite,
elles en ajoutèrent une bonne quantité qu’elles répart irent
soigneusement avant de recoudre l’enveloppe. Quand Clément se réveilla un peu
avant midi pour venir s’asseoir frileusement près du poêle, enveloppé dans une
couverture, son frère s’empressa de descendre leur matelas pour qu’il subisse, lui
aussi, cette cure de rajeunissement.
– Pendant que
Céline m’aide à préparer
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