Les années folles
C’est déjà ça.
Si Thérèse Tremblay eut une pensée pour les Veilleux que personne n’avait
encore contactés à ce propos, elle se garda bien d’aborder le sujet, connaissant
d’avance la réaction de son Eugène.
– Qu’est-ce
qu’on va faire avec la voiture cassée ? demanda Gérald qui entrait dans la
cuisine avec une brassée de bûches qu’il laissa tomber dans la boîte à bois
placée près du poêle.
– Le voisin a
dit qu’elle nuisait pas là où on l’a laissée et qu’on pouvait ben attendre qu’il
fasse plus beau pour aller la chercher. On s’en occupera demain.
Après
avoir soupé d’un reste de fèves au lard réchauffées, Germain Fournier alluma un fanal parce que le soleil se couchait
maintenant vers dix-huit heures trente. Armé de sa lanterne, il se rendit dans
la remise où il se mit à déplacer divers objets. En mangeant, il s’était
soudainement souvenu d’avoir vu un vieux longeron poussiéreux laissé par son
défunt père. Le problème était de le retrouver au milieu de toutes sortes de
choses disparates empilées pêle-mêle, au fond de la remise.
Le jeune
cultivateur finit par trouver ce qu’il cherchait et il lui fallut moins d’une
heure pour l’installer à la place du longeron brisé sur la voiture de son
voisin, après avoir tiré cette dernière dans sa remise.
Il ne fallait pas
croire que Germain Fournier était subitement devenu généreux et d’un voisinage
agréable en posant ce geste.
Non,
il l’avait fait parce que les Tremblay l’avaient aidé lors du décès de sa mère.
Il n’aimait pas avoir l’impression de devoir quelque chose à quelqu’un. Comme
ça, il était quitte envers eux.
Le lendemain
après-midi, Eugène et son fils Gérald eurent la surprise de découvrir leur
voiture réparée quand ils se présentèrent chez leur voisin avec un nouveau
longeron. Germain, arborant son habituel visage peu avenant, abrégea au maximum
les remerciements d’Eugène et refusa tout net d’être dédommagé pour sa peine.
– Il est ben
smatte d’avoir réparé notre voiture, mais tu parles d ’un maudit air bête, par exemple, ne put s’empêcher de dire
Eugène à sa femme, une fois rentré à la maison.
Moins d’une heure
plus tard, Clément Tremblay, toujours grippé, vit passer Germain Fournier
devant la maison.
– Germain
Fournier est rendu sociable sans bon sens, dit-il à sa mère en laissant
retomber le rideau de la fenêtre devant laquelle il se berçait. Il a l’air de s’en
aller du côté des Veilleux.
– Je pense, mon
gars, qu’il est grand temps que tu guérisses au plus vite pour retourner aider
ton père, lui fit remarquer sa mère d’un air narquois. Tu deviens aussi fouine
que tes sœurs qui passent leur temps à manger les fenêtres quand quelqu’un
passe sur le chemin.
Les « oh ! » indignés de Claire et d’Aline indiquèrent à
Thérèse Tremblay que ses filles l’avaient bien entendue.
– Je te dis
que j’ai hâte de retourner au couvent demain, moi, dit l’adolescente à sa sœur
aînée. Sœur Saint-Sauveur a beau être dure, elle l’est pas mal moins que m’man
avec nous autres.
Pendant
ce temps, Germain Fournier venait d’arriver chez les Veilleux. Après avoir
attaché son cheval au garde-fou du balcon, il sembla hésiter un moment entre
aller frapper à la porte de la maison ou se rendre aux bât iments où Ernest Veilleux pouvait être en
train de travailler. Finalement, il vint frapper à la porte de la maison et c’est
Céline qui vint lui ouvrir. Le jeune homme sursauta légèrement en apercevant la
tête de celle qui le fit entrer.
– Est-ce que
ton père est ici ? demanda-t-il en enlevant sa casquette.
– Entre, Germain,
l’invita Yvette Veilleux qui était en train de coudre sur sa vieille machine à
coudre Singer placée sous l’une des fenêtres de la cuisine. Céline, appelle
ton père. Il me semble l’avoir entendu brasser quelque chose dans la remise, à
côté.
L’épouse
d’Ernest Veilleux se leva et vint à la rencontre de son jeune voisin pendant
que sa fille ouvrait la porte de la cuisine d’été, qui communiquait avec la
remise, pour appeler son père.
Moins d’une minute
plus tard, Ernest Veilleux entra dans la cuisine, surpris de voir Germain
Fournier debout devant la porte.
– Viens t’asseoir,
Germain, lui dit-il avec un entrain un peu forcé.
– Merci, monsieur
Veilleux. Je venais juste pour vous parler de quelque chose qui
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