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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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s’exécuta.
Anne et Céline, le visage blême de frayeur, finirent par venir prendre place à
table aux côtés de leur mère. Elles ne déposèrent dans leur assiette qu’une
seule crêpe, que l’angoisse les empêchait d’ailleurs de manger .
    Durant tout le
repas, il régna autour de la table un silence contraint. On n’entendait dans la
pièce que le tic-tac de l’horloge et le bruit des ustensiles heurtant les
assiettes. Tous les enfants avaient remarqué la mauvaise humeur de leur père et
ne souhaitaient surtout pas provoquer sa colère.
    Les deux filles n’osaient
même pas se regarder. La gorge sèche, elles attendaient la tempête qui allait
se déclencher d’un instant à l’autre. Anne était au bord des larmes et sa sœur
bandait toute sa volonté pour faire face à la crise qui se préparait. L’une et
l’autre auraient quand même tout donné pour avoir la chance de retrouver leur
abondante chevelure de la veille, mais il était trop tard.
    Pourtant, le repas
prit fin sans qu’Ernest Veilleux semble avoir remarqué la nouvelle tête de ses
filles. Yvette fut la première à se lever de table et elle enjoignit à ses
trois plus jeunes fils de se dépêcher à quitter pour l’école.
    Le père se leva à
son tour pour aller s’asseoir dans sa chaise berçante près du poêle, après
avoir jeté une bûche clans ce
dernier. C’était le moment d’allumer sa première pipe de la journée.
    – Toi, va
donc commencer à nettoyer l’étable, dit-il à son fils Jérôme sur un ton neutre.
    L’adolescent,
trop heureux d’échapper à l’atmosphère lourde qui régnait dans la cuisine
depuis le début du déjeuner, s’empressa de sortir de la maison. Après le départ
de Jérôme, Yvette et ses deux filles se mirent à ranger, sans dire un mot, la
nourriture qui était demeurée sur la table. Ernest quitta sa chaise berçante et
vint se planter debout à l’extrémité de la table.
    – Est-ce que
t’aurais permis à tes filles de se couper les cheveux comme des garçons sans m’en
parler ? demanda le petit homme sec à sa femme sur un ton menaçant.
    Immédiatement, les
trois femmes s’arrêtèrent, figées par la colère rentrée qu’elles sentaient chez
lui.
    – Non, p’ pa, on lui a pas demandé la permission, répondit
Céline d’une voix légèrement tremblante.
    – C’est pas à
toi que je parle, c’est à ta mère, fit sèchement son père.
    – Non,
commença Yvette, mais…
    – Si j’ai ben
compris, elles ont fait comme si on leur avait pas défendu de faire ça ?
    Sa femme se
contenta de hocher la tête.
    – Calvaire, par
exemple ! éclata Ernest Veilleux. Il y a combien de
maîtres dans cette maudite maison ? Veux-tu bien me le dire, toi ? As-tu
vu de quoi elles ont l’air toutes les deux ? De deux vraies folles ! Elles
vont faire rire d’elles dans toute la paroisse quand elles vont sortir de la
maison.
    – Je le sais
bien, murmura sa femme.
    –  Si elles étaient plus jeunes, je leur sacrerais la volée de leur vie
pour leur apprendre à me respecter. En tout cas, vous deux, ajouta-t-il sur un
ton féroce en se tournant cette fois vers ses filles qui s’étaient réfugiées
près du comptoir, arrangez-vous pour que je vous voie le moins possible avec
votre tête pas montrable.
    Là-dessus, le père
de famille attrapa sa veste et sa casquette suspendues à un crochet et il
sortit de la maison.
    Il fallut quelques
instants aux deux jeunes filles pour retrouver un semblant d’aplomb. Au fond, elles
étaient soulagées d’avoir remporté cette victoire sans avoir eu à supporter un
châtiment pire qu’une colère de leur père. Lorsque Yvette Veilleux surprit un
début de sourire dans la figure de ses filles, elle ne put réprimer un mouvement
de mauvaise humeur.
    – Vous autres,
les deux têtes croches, allez pas vous imaginer que vous all ez vous en tirer à aussi bon compte. Après la
vaisselle, je vais essayer d’égaliser vos cheveux parce que vous pouvez pas
sortir arrangées comme ça. J’ai presque envie de vous raser la tête au complet.
En tout cas, après, ça me surprendrait bien gros que la coupe que je vais vous
faire ressemble à celle que vous pensiez avoir.
    Après avoir lavé
la vaisselle, la mère s’empara de ses ciseaux et obligea Anne à prendre place
sur un tabouret au centre de la cuisine. C’était le tabouret sur lequel s’assoyaient
Ernest et ses fils quand elle leur coupait les cheveux. Pendant qu’Yvette

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