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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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cette viande saignante. Il fallait se battre avec eux, leur disputer les cadavres. Dubon remarqua sur beaucoup de corps dévêtus la même mutilation. « C’est les citoyennes qui leur ont coupé les parties, aux Suisses, expliqua crûment Rossignol. Y a pas plus méchant que les femelles quand elles s’y mettent. » Un autre municipal dit que parmi ces Suisses on en trouvait nombre de faux : « Des aristocrates déguisés. Cela se voit à leur linge. Des Messieurs-de-la-peau-fine. Le comité autrichien méditait bien de massacrer la population, il avait disposé ses complices au milieu des soldats. Et il en reste, assurément, de ces chevaliers du poignard, cachés dans Paris. Croyez-moi, citoyen président, il faut en nettoyer la ville, il faut les mettre tous sous clef avec le roi perfide et sa catin. »
    Laissant Dubon sur la place, Claude était monté chez lui. Il ne s’étonna point de trouver la porte verrouillée ni d’avoir à se faire reconnaître avant que Margot consente à ouvrir. Elle l’accueillit par de grandes exclamations en se disant bien contente de les savoir tous deux sans mal, puis ajouta d’un air gêné qu’ils ne le seraient peut-être pas, eux, contents d’apprendre ce qu’elle avait fait en leur absence. Mais quoi ! pouvait-on laisser égorger comme ça des chrétiens ! De mauvais diables, sans doute, ils avaient tiré sur le pauvre monde. Eh bien, c’était leur tour de saigner et de vouloir échapper à la mort.
    Claude finit par comprendre que la bonne Margot avait donné asile à deux gentilhommes. Blessés, poursuivis, ils s’étaient jetés dans l’immeuble, dans l’escalier, cherchant les greniers. « Je les ai entendus monter. Ils n’en pouvaient plus, je leur ai ouvert. D’autres se sont réfugiés dans les caves, on les y a pris et on les a tués sur la place. C’était affreux ! Je ne pouvais pas…
    — Mais oui », dit Claude. Il l’assura qu’elle avait bien fait. Elle les avait installés dans la chambre du fond, qui donnait sur la cour de l’Hôtel de Longueville : deux messieurs du meilleur air, un jeune et un vieux, celui-là mal en point. Claude leur fit demander la permission de se présenter. Le plus jeune – la trentaine environ –, enturbanné d’une serviette, vint le recevoir. Il s’appelait Georges de Sérisay, il était blessé légèrement à la tête. Son père, le comte de Clairac, étendu sur le lit, en corps de chemise, tenta de se lever. « Je vous prie, monsieur, de ne pas bouger, lui dit Claude en le saluant. Vous êtes ici chez vous, messieurs, ajouta-t-il, et vous n’y courez aucun risque. »
    Même si des visites domiciliaires étaient entreprises, comme le voulait la Commune, nul ne songerait qu’un Mounier-Dupré pût cacher des ci-devant. Il ne lui plaisait pas de le faire, du reste, mais l’humanité lui en imposait le devoir. Le comte : un homme d’une soixantaine d’années, aux cheveux blancs, avait eu plusieurs côtes cassées par un coup de crosse. Son état réclamait des soins que Margot ne pouvait donner. Claude l’envoya quérir le docteur Guillotin, à la discrétion duquel on pouvait se fier. Là-dessus, Dubon, ne voyant pas redescendre son beau-frère, arriva pour savoir ce qui se passait. Claude n’hésita point à le lui apprendre. « Bien entendu, répondit Dubon, il faut secourir ces gens. Je ne regrette déjà que trop de n’avoir pas assez fait pour sauver la vie au malheureux Mandat. Ce sera mon remords. Si je n’étais pas allé dormir !… Bon, je vais aux Jacobins, voir quelles décisions on va prendre, et je repasserai vous chercher. »
    En attendant le docteur, Claude retourna auprès de ses hôtes. Ils lui apprirent qu’ils logeaient non loin, dans un hôtel de la rue du Chantre. Trois semaines plus tôt, ils étaient arrivés de province, appelés par leur ami M. de Vioménil pour défendre le Roi et la Reine. « Malheureusement, dit, non sans amertume, le chevalier de Sérisay, le Roi a préféré à la nôtre la protection illusoire de l’Assemblée. En se retirant avec deux cents des Suisses, Sa Majesté a désorganisé notre défense. Si nous étions restés rassemblés, avec le Roi à notre tête, jamais le peuple n’aurait forcé le Château.
    — Je conçois vos regrets, monsieur, répliqua Claude. Je crois néanmoins que l’événement était fatal. Depuis plus de trois ans, mes amis et moi nous avons déployé les plus grands efforts pour fonder

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