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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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courant de ce qui se faisait aux Jacobins. « Rien de notable, dit-il. On y demande exactement les mêmes choses qu’à la Commune, en y ajoutant de grandes déclamations. On s’y livre surtout à des marchandages, je crois. J’ai vu Desmoulins et Fabre en conversation avec Brissot. Oui, avec Brissot. Cela ne vous donne-t-il pas à penser ? La royauté n’est pas encore morte, que déjà les mouches grouillent. Bah ! je suis trop fatigué pour m’en occuper, ce soir. » Il se tut un instant, puis demanda tout à coup : « Vous tenez à votre poste au tribunal ? Cela ne vous vaut rien, savez-vous ? Vous y avez pris trop d’éloignement avec les choses. Oui, je vous trouve trop lointain, Claude, hors des événements. Vous auriez dû être avec nous, parmi les 48, hier, et à la Commune aujourd’hui.
    — Vous êtes bon, mon ami ! Il aurait fallu que ma section m’y envoyât. Et ma section…
    — Je sais. Cela va changer, avec les mesures que nous avons prises, hier soir. Il n’y aura plus de sections aristocrates. La Commune va être élargie, je voudrais vous y voir, car le seul véritable pouvoir est là, et il y restera au moins jusqu’à ce que la Convention nationale décrétée soit réunie. L’Assemblée législative n’est plus qu’un fantôme. Quant aux ministres, ce sera nécessairement le père Roland, avec ses co-imbéciles Clavière, Servan. Dire que deux mille hommes, peut-être, sont morts aujourd’hui pour que le vieux Coco et sa Manon réintègrent le palais des Pontchartrain, des Calonne ! Nous nous sommes débarrassés du Roi, qui nous délivrera des Roland, des Brissot, des Danton ?
    — Danton ! Voyons, Jean, je ne vous entends point. Sans lui, nous serions encore…
    — Oui, sans doute nous a-t-il fortement aidés à nous débarrasser de Louis XVI. Par un meurtre superflu, et très suspect à mes yeux. Il y a là-dessous quelque chose de ténébreux, car la mort de Mandat était parfaitement inutile. Mais vous seriez bien naïf, mon pauvre Claude, si vous croyiez que Danton ait songé à nous délivrer des rois. Il en cache un dans sa manche : Orléans. Nous sommes loin d’en avoir fini avec celui-là. »
    Claude ne put s’empêcher de hausser les épaules. « Orléans ! c’est une vieille lune. La Genlis elle-même ne saurait plus y croire.
    — Desmoulins et Danton y croyaient bien, eux, quand ils sont allés demander à Prudhomme son assistance pour détrôner Louis et mettre Philippe à sa place. N’est-ce pas de vous-même que je tiens la chose ?
    — Peut-être. En tout cas cela date. Je gagerais qu’à présent si ce brave Danton songe à mettre quelqu’un à la place de Louis XVI, c’est lui en personne. Et cela ne me déplairait pas.
    — Si c’était vrai, cela ne me déplairait pas absolument, à moi non plus. À mon avis, vous vous trompez du tout au tout. Ou je ne connais rien aux hommes ou Danton n’ambitionne point la première place. Il lui faut un roi, un régent, peu importe : un personnage chargé du pouvoir, un paravent derrière lequel il puisse, lui, mener une vie indolente et fastueuse, en se remplissant les poches. Voilà son caractère. »
    Claude n’avait rien à répondre. Dubon reprit : « L’orléanisme, avec ses légions de francs-maçons, ses clients clandestins, ses stipendiés, reste puissant dans l’ombre, je vous l’assure. Il n’a pas cessé d’agir. Nous-mêmes, nous avons fait son jeu, avec ses agents, ses complices, car le but : détruire les Bourbons, était le même pour tous. D’ailleurs, dans l’extraordinaire confusion où chacun s’agite depuis trois mois, parmi tant d’alliances embrouillées, changeantes, déconcertantes, comment savoir au juste qui est avec qui, pourquoi certains marchent ensemble, jusqu’où ils iront ainsi, et à quel moment ils se sauteront à la gorge ? Et il est inutile de demander à votre meilleur ami où il va, il ne vous le dirait point. Il n’en sait probablement rien, du reste.
    — Ce brouillamini ne m’a pas échappé, mon cher Jean. Qu’importe ! Ces forces incohérentes poussent ensemble vers le résultat auquel nous tendons.
    — Justement, les routes se séparent aujourd’hui. Vous vous êtes plongé dans les affaires de votre tribunal, elles vous ont écarté d’un microcosme où tout devient tellement compliqué, tellement instable que l’on ne s’y retrouve plus si on le perd de l’œil un seul instant. Vous ne distinguez plus les

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