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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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distance de la grande tour carrée flanquée de ses quatre tourelles et de chaque côté duquel les sentinelles allaient et venaient. Ils trouvèrent Louis XVI en train de se promener avec le Dauphin sous les tilleuls dégarnis. Il ne parut point à Claude que ces trois semaines de captivité eussent changé le monarque, il avait l’air plus bourgeois, plus bonhomme que jamais. Claude et Manuel le prièrent de rentrer dans la petite tour et de n’en plus sortir. Ils montèrent avec lui dans l’ancien logement de l’architecte, très simplement mais commodément meublé, où la famille royale réduite à elle-même semblait avoir pris avec facilité ses habitudes. Là, Manuel expliqua au Roi que les nouvelles des armées provoquaient dans le peuple une certaine fermentation et qu’il serait prudent de demeurer à couvert tout le jour. Louis XVI ayant demandé s’il n’y avait rien à craindre pour les personnes enlevées du Temple, Manuel répondit : « Non, rien. Elles sont en sûreté et ne courent aucun risque.
    — De toute façon, précisa Claude, il a été pourvu spécialement à leur sauvegarde quoi qu’il puisse advenir. »
    Manuel ne resta qu’un moment. La présence de Mounier-Dupré, représentant ici l’autorité la plus populaire, fournissait le maximum de garantie.
    Jusque vers trois heures après midi, il ne se produisit rien d’anormal. À ce moment, Claude était dans l’antichambre avec les municipaux ordinaires. Le Roi et la Reine, réunis depuis le dîner, jouaient au tric-trac dans la salle où Madame Royale et son frère se tenaient également avec leur tante. Elle raisonnait le petit garçon mécontent de ne pouvoir aller dehors. Une rumeur naquit, s’enfla, du côté de la rue du Temple. Claude envoya aussitôt un municipal. Celui-ci revint avec Rocher, le guichetier, en annonçant qu’un cortège suivi d’une petite bande prétendait entrer dans l’enceinte. Ces gens portaient une tête coupée et traînaient dans la poussière un corps sanglant, qu’ils disaient être les restes de M me  de Lamballe tuée à La Force. On voulait les présenter à la Reine. Rocher exultait d’une joie sauvage.
    « Courez à la porte, lança Claude à deux de ses collègues. Attachez les vantaux avec l’une de vos écharpes, et défendez l’entrée au nom de la loi. Je vais venir. »
    Tandis que les deux commissaires sortaient en hâte, il se précipita dans la salle, emmenant un autre des municipaux. Les captifs, alertés par la rumeur, s’étaient approchés des fenêtres ouvertes au tiède soleil de septembre » pour voir ce qui arrivait. « Écartez-vous des croisées, ordonna Claude. Je vous prie de ne pas regarder dehors. » Il ferma vivement les fenêtres, tira les rideaux de toile. « Reste ici, Mathieu, ajouta-t-il, et veille à ce que personne ne bouge de cette pièce. » Puis, tout courant, il gagna la cour du palais. Les sectionnaires de garde l’occupaient seuls. Les sans-culottes menaient grand bruit dans la rue mais n’essayaient pas de forcer l’entrée dont les commissaires avaient jugé bon de ne point fermer le portail : défense illusoire, car rien n’eût été plus facile que d’escalader l’enceinte, rue de la Corderie. Ils s’étaient bornés à tendre devant le porche une écharpe tricolore. Le populaire respectait cette barrière, et les deux municipaux parlementaient avec lui. Il n’était pas en nombre, au demeurant ; même pas cent personnes, y compris les simples curieux. Claude s’avança. Il aperçut au premier rang, au-dessus des bonnets rouges, la tête aux longs cheveux. Cependant il avait autre chose à faire qu’y prêter attention. De prime abord, il lui parut que ce peuple ne venait pas ici avec des intentions meurtrières, mais on risquait de le rendre dangereux en l’irritant. Les meneurs voulaient défiler avec leurs atroces trophées sous les fenêtres de la tour. Eh bien, qu’ils défilassent, peu importait. « Laissez entrer cinq ou six hommes avec cette horrible chose au bout de leur pique, dit Claude à ses collègues. Quant aux autres, ils resteront là. » Il rejoignit rapidement la tourelle, ordonna aux officiers de la garde nationale de ne laisser personne franchir le fossé puis remonta.
    Dans la salle, les rideaux faisaient régner un demi-jour et, près du plafond fort haut, un rais de soleil passait. Le Roi, la Reine, Madame Élisabeth avec les enfants étaient assis à leurs places. Mathieu avait appelé

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