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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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registres et papiers voisinaient avec deux bouteilles, des verres, des pipes. À côté de l’homme à écharpe, évidemment le président – en fait, c’était Lhuillier –, Weber reconnut le commis de la prison. Autour d’eux siégeaient deux grenadiers, deux fusiliers, deux chasseurs, enfin deux bourgeois offrant l’apparence d’artisans ou de petits boutiquiers.
    « Votre nom, votre âge, votre pays ? » questionna Lhuillier tout en parcourant la liste des suspects fournie par le Comité de surveillance. Le commis tendait le registre ouvert à l’écrou du prisonnier. Il était détenu pour quatre crimes de lèse-nation. Lui-même ne l’ignorait point, après ses interrogatoires à l’Hôtel de ville et à la Mairie. Il avait longuement préparé sa défense pour répondre à tous ces chefs d’accusation. Il ne comprit pas, il ne sut jamais pourquoi l’homme à écharpe l’interrogeait seulement sur le dernier.
    C’est que Lhuillier avait lu la note inscrite en marge par Claude. Il se borna donc à essayer d’éclaircir l’unique accusation nettement établie. « Pourquoi vous trouviez-vous, le 9 et le 10 août, aux Tuileries ? » demanda-t-il. L’Autrichien s’expliqua longuement, avec lourdeur mais clarté, en remontant jusqu’à l’époque où il avait été incorporé, à Versailles, dans la garde nationale. Ensuite, à Paris, inscrit au bataillon des Filles-Saint-Thomas, rue Vivienne, à présent section de 1792, il y avait accompli régulièrement son service. « Ces trois derniers mois, précisa-t-il, j’ai monté la garde deux fois à l’Assemblée, deux fois au Château. Le 9 août, à sept heures du matin, j’ai reçu chez moi, rue Sainte-Anne, un billet imprimé de notre chef de bataillon. M. Tassin, pour me rendre sur-le-champ au corps de garde. J’ai obéi, et là, rue Favart, dix-neuf de mes camarades et moi-même avons été envoyés en renfort dans les cours du Château, sous le commandement de MM. Guicher, lieutenant, et Laurent, sous-lieutenant. J’ai demeuré aux Tuileries avec ma compagnie jusqu’à ce que, ayant été commandés pour conduire la famille royale au Manège, nous l’y eûmes accompagnée. Je suis alors parti pour rentrer chez moi. En route deux inconnus m’avertirent que l’on me cherchait pour me mettre en prison. Je n’avais rien à me reprocher, mais je sentais bien que ma condition de frère de lait de la Reine me rendait, par cela seul, suspect, et je me suis caché. Voilà la vérité dans toute son exactitude. »
    Voire ! En réalité, Weber avait bel et bien participé à la fusillade dans le jardin des Tuileries. Néanmoins, sa façon de présenter ses actes correspondait avec les apparences. Aussi, lorsque le président, après l’avoir écouté avec beaucoup d’attention, demanda aux assistants : « Quelqu’un d’entre vous a-t-il connaissance des faits que le citoyen Weber vient d’évoquer pour sa justification ? » celui-ci eut-il la joie d’entendre plusieurs gardes nationaux corroborer ses déclarations. Un petit chasseur surtout le soutint chaudement. « Je ne vois donc plus, dit Lhuillier en se levant et ôtant son chapeau à plumet, le moindre obstacle à proclamer l’innocence de monsieur. » Tout le monde cria « Vive la nation ! » et Weber, sur l’invitation du président, se joignit, d’un cœur soulagé, à ce concert. « Vous êtes libre, citoyen, lui dit alors Lhuillier. Toutefois, vous le savez, la patrie est en danger, il faut donc que vous vous enrôliez pour partir sous trois jours aux frontières. » L’Autrichien ne se sentait nullement disposé à combattre ses compatriotes qui venaient délivrer la famille royale et mettre fin à un état de choses odieux. Il leur eût plus volontiers donné la main. « Citoyen président, répondit-il avec candeur, il m’est impossible de me conformer à cet ordre. J’ai une mère âgée, infirme, une sœur malheureuse, je suis leur unique soutien et ne puis les abandonner. » Il ne fut pas long à se rendre compte de la sottise qu’il venait de commettre. Des exclamations indignées, furieuses, éclataient. Derrière lui quelqu’un s’écria : « Citoyen, ce n’est pas le moment de donner pareilles raisons. La patrie a besoin de soldats. Nous-mêmes, en bons patriotes, nous avons oublié que nous sommes époux et pères, oubliez que vous avez une mère et une sœur.
    — Je vous en préviens, monsieur, dit Lhuillier : il faut vous

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